Perles d'Afrique

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Lettre à Tata Jeanine

Lettre à Tata Jeanine, ainsi l’appelons-nous affectueusement…

Comme une prière qui mûrit depuis le 17 juin 2016, avant-hier. Vendredi de la Passion. Une autre. La sienne. La nôtre. Rappel d’un anniversaire. Celui de mon frère aîné, Ludo, trop tôt décédé, comme elle. Lui aurait 30 ans. Une vie devant lui. Une vie derrière lui. Une vie. Quelque soit le nombre des années. Une vie. La tienne aujourd’hui.

Depuis ce jour, ma pensée, mes souvenirs, se tournent vers une femme effacée, à la voix un peu cassée, à la voix si chaleureuse. Je l’entends. Pas de paroles précises. Un sourire dans le ton. Elle suscite la taquinerie expression d’affection. Nous nous faisons proche de celle qui accompagne les fêtes familiales de notre enfance, jusqu’à ce jour. Présence semi étrangère par sa façon différente d’exprimer sa tendresse. Refuge bienveillant qui transcende l’austérité parfois trop palpable de ces rencontres autour de nos grands-parents. Elle rassure.

 

J’ai peur d’imaginer ses derniers instants. Une voiture, un camion. La rencontre fatale. Fait divers dans un journal local. Douleur suprême pour ceux et celles qui l’attendent en vain. Plongeon dans un hiver, les ténèbres de l’absence foudroyante, inexplicable, inconsolable. Il faudra pourtant. Ne serait- ce que pour lui rendre justice, à elle et à la vie qu’elle ne cessait de porter, d’engendrer.

Je n’ai pas de détails sur cet instant tragique. Je ne suis même pas sûre de la date de l’évènement. Quelques mots de douleur téléphonés par Papa. De Petit Mars à Alger le Requiem de Mozart arrache au silence un cri. Rattrapés par l’évidence : nous sommes de passage. Tout s’arrête en une fraction de seconde.

La mort emporte-t-elle les êtres chers ? Je n’ai jamais senti ma tante si proche. Sa douceur remonte de nos vies croisées. Chaque anniversaire souligné de son écriture appliquée qui ne s’est effacée que pour rejoindre les réseaux sociaux fait à la dimension de son cœur universel ! Toujours présente de son affection. Humble partage trans-génération. Elle transformait nos rencontres en apaisement. Sa vie auprès de nous, auprès de moi, discrète, était prière, communion. Elle le reste. Elle le restera. Nous l’aimons. Tata, je ne te l’ai peut-être jamais dit : je t’aime. Ces mots si faciles que l’on n’ose dire, par pudeur, par oubli. Evidence cachée qui pourrait soulagée.

J’espère que tu es dans cette lumière espérée, ce lieu paisible que tu frôlais sur terre par ta façon de nous regarder et de nous faire sentir combien tous, tu nous aimais. Nous t’avons tant taquinée avec le beurre salé de ta Bretagne natale, nous, les faux Normands ! Nous cherchions ta proximité au-delà des kilomètres qui nous séparaient et des années sans nous voir.

 

 

 

 

 

 

…Le Muezzin appelle à la prière du milieu du jour…

Dieu se fait présent quand il veut, où il veut, de la manière qu’il veut. Appelé Allah, Seigneur,  Eloï, éveil, nature, ou chemin, ce bien précieux qui nous pousse à la vie et au partage, au don de soi, a traversé, a fécondé  ton existence. Tu nous l’as offert par ta présence.

 

Épouse première de celui qui deviendra le père de tes enfants et mon parrain, tu étais sa voix chaleureuse, le visible de sa foi, l’audible de son affection. Jusqu’à l’âge adulte je n’ai connu de lui que toi. Jusqu’à la séparation. Alors deux êtres se sont exprimés. Tu n’as pas changé. Continuant d’exister sans rien retirer de ta petite écriture appliquée, ni ta tendresse, ni ta présence affectueuse. Lui, mon parrain, a grandi écarté de toi. Toi écartelée de lui.

Notre amour finalement pour vous deux s’est décuplé quand tu as acceptée cette nouvelle présence familiale dichotomisée. Vous étiez là. Nous vous aimions séparés. Pas de page tournée.

Tu t’es relevée. Je suis sûre que là aussi tu les as aidés à accueillir le destin sans effacer le passée et les années de bonheur. Tu restes pour moi l’image d’une continuité de ce qui est le meilleur. La brisure pour toi s’exprime dans cette fin soudaine, imprévisible. Seul cet instant de violence extérieure pouvait arrêter tes mots de nous rejoindre au présent. Seul, il vient peut-être nous dire aussi ce que t’as vie n’a pas voulu crier pour ne pas nous déranger. Discrète. Mais pas effacée. Donnée tout entière jusqu’à la fin. Ne pas peser. Partir comme ça d’un seul coup !

 

Je retrouverai, Tata, tes lettres appliquées. Trésors inutiles car tu demeures proche, vivante.

A tes enfants, mes deux cousins et ma cousine, à leur Papa, mon oncle et parrain, petit frère de mon père, à tes petits enfants que je connais à travers tes mots et ton sourire affectueux quand tu parles d’eux, à nous tous cousins cousines, oncles et tantes, famille par alliance, je voulais témoigner de la femme porteuse d’humanité et de réconfort que tu as été au long de ces 50 années de chemins croisés.

Un à Dieu porteur de promesse pour le présent.

Je t’embrasse, Tata, tendrement.

Laurence

19/06/2016, Alger prés de Notre Dame d’Afrique

 

 

 

 

 

 

 

 

 



19/06/2016
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