Perles d'Afrique

Perles d'Afrique

gestes de la vie quotidienne

Gestes de la vie quotidienne

 

Ma main glisse entre l’oreiller et le crane décharné

Elle relève avec précaution la tête désarticulée

Doucement la repose un peu plus droite, juste moins penchée

Pas un murmure, pas un souffle, vie effacée.

 

 

Achille n’a plus qu’un nom, sa chaire a fondu

Sa voix aux multiples sollicitations ne répond plus

Le temps va bientôt retourner d’où il est venu

Néant ? Printemps ? Hivers ? Qui l’a connu ?

 

Dans ce lit d’hôpital le rêve l’a conduit trop tôt

Il disparait en même temps que son fils dans l’eau

Cette mer assassine qui ne conduit nulle part

Frontière qui engloutit des destins épars

 

Femme, père, enfant, tous méconduit par une utopie

Etre de sang, d’amour, d’espérance et de vie

Cette vie jamais rassasiée qui aspire les vents

Qui aspire des milliers de forces vives vers le néant.

 

Ma main glisse entre l’oreiller et le crane décharné…

 

Une bouteille pleine objet insolite prés d’un plat de riz

Il y a longtemps que rien ne passe, tout le quitte

Une paille, un bout de tubulure, plonge dans le liquide

Il a soif, les mots l’ont abandonnés, et bientôt la vie.

 

J’approche le bleu innocent de ces lèvres sèches et nues

De  tant d’attente, de tant de désillusions perdues

Il aspire encore, mais à quoi ? Vincent à soif d’inconnu

De richesses dans un ailleurs que d’autres lui ont vendu

 

Il serre de ses dents le tuyau incolore. Rien ne vient.

Plus assez de force, plus assez de souffle, plus assez de tout.

Ma voix l’encourage dans un dernier effort. Il s’éteint

Il s’accroche pourtant encore à ce plastique comme un fou !

 

Ce soir la mort a fait son œuvre. Un autre père est parti.

Ne plus jamais espérer son retour. Adieu école et maison

Terrain a peine construit, maladie assassine. Déraison.

Avoir tout quitté pour ne plus revenir. Triste pari sur la vie.

 

Je repose la bouteille sur la table. Je ne le reverrai plus…

Qui se soucis de leur passage, hormis les passeurs

Avides de chaire fraiche, cherchant l’argent facile des rêveurs

Qui de Gao lance à pleine voix : « Espagne direct ! »

« Italie direct ! », « paris direct ! », proposition abjecte !

 

Pourtant les candidats sont légion, la tentation forte

Des personnes pour qui l’Europe n’a pas de réalité physique

Images filmées sur les écrans télévisés, piège en eau morte

D’un monde autre, un monde qu’ils et elles pensent magique !

 

Une cohorte d’escrocs les attende à chaque frontière

Prélevant de leur vie quelques lambeaux d’espoir

Faisant miroiter contre un monde en blanc et noir

Les couleurs d’un ailleurs meilleur, demain contre hier

 

L’aujourd’hui n’a pas d’odeur : sexualité forcée

Enfants enlevés, virus transmis au hasard des routes traversées

Et quand ils meurent, les larmes sèches ils cotisent en argent

Envoyant un cadavre au pays, boite vide, cœur absent.

 

…dites moi pourquoi je lutte encore pour vous aujourd’hui ?

 

21/08/2012   Laurence

 

 

 

 

 



22/08/2012
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