gestes de la vie quotidienne
Gestes de la vie quotidienne
Ma main glisse entre l’oreiller et le crane décharné
Elle relève avec précaution la tête désarticulée
Doucement la repose un peu plus droite, juste moins penchée
Pas un murmure, pas un souffle, vie effacée.
Achille n’a plus qu’un nom, sa chaire a fondu
Sa voix aux multiples sollicitations ne répond plus
Le temps va bientôt retourner d’où il est venu
Néant ? Printemps ? Hivers ? Qui l’a connu ?
Dans ce lit d’hôpital le rêve l’a conduit trop tôt
Il disparait en même temps que son fils dans l’eau
Cette mer assassine qui ne conduit nulle part
Frontière qui engloutit des destins épars
Femme, père, enfant, tous méconduit par une utopie
Etre de sang, d’amour, d’espérance et de vie
Cette vie jamais rassasiée qui aspire les vents
Qui aspire des milliers de forces vives vers le néant.
Ma main glisse entre l’oreiller et le crane décharné…
Une bouteille pleine objet insolite prés d’un plat de riz
Il y a longtemps que rien ne passe, tout le quitte
Une paille, un bout de tubulure, plonge dans le liquide
Il a soif, les mots l’ont abandonnés, et bientôt la vie.
J’approche le bleu innocent de ces lèvres sèches et nues
De tant d’attente, de tant de désillusions perdues
Il aspire encore, mais à quoi ? Vincent à soif d’inconnu
De richesses dans un ailleurs que d’autres lui ont vendu
Il serre de ses dents le tuyau incolore. Rien ne vient.
Plus assez de force, plus assez de souffle, plus assez de tout.
Ma voix l’encourage dans un dernier effort. Il s’éteint
Il s’accroche pourtant encore à ce plastique comme un fou !
Ce soir la mort a fait son œuvre. Un autre père est parti.
Ne plus jamais espérer son retour. Adieu école et maison
Terrain a peine construit, maladie assassine. Déraison.
Avoir tout quitté pour ne plus revenir. Triste pari sur la vie.
Je repose la bouteille sur la table. Je ne le reverrai plus…
Qui se soucis de leur passage, hormis les passeurs
Avides de chaire fraiche, cherchant l’argent facile des rêveurs
Qui de Gao lance à pleine voix : « Espagne direct ! »
« Italie direct ! », « paris direct ! », proposition abjecte !
Pourtant les candidats sont légion, la tentation forte
Des personnes pour qui l’Europe n’a pas de réalité physique
Images filmées sur les écrans télévisés, piège en eau morte
D’un monde autre, un monde qu’ils et elles pensent magique !
Une cohorte d’escrocs les attende à chaque frontière
Prélevant de leur vie quelques lambeaux d’espoir
Faisant miroiter contre un monde en blanc et noir
Les couleurs d’un ailleurs meilleur, demain contre hier
L’aujourd’hui n’a pas d’odeur : sexualité forcée
Enfants enlevés, virus transmis au hasard des routes traversées
Et quand ils meurent, les larmes sèches ils cotisent en argent
Envoyant un cadavre au pays, boite vide, cœur absent.
…dites moi pourquoi je lutte encore pour vous aujourd’hui ?
21/08/2012 Laurence
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