Perles d'Afrique

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justice?rapport de l'ONU, RDC et le Génocide : long, mais ça vaut la peine

Rapport de l’Onu sur le génocide en RDC

En dépit de menaces et intimidations de Kigali pour retarder la publication du rapport du Haut commissaire des Nations unies aux Droits de l’Homme sur les crimes commis en RDC de 1993 à 2003. Depuis le weekend dernier, la communauté internationale a pu prendre enfin connaissance de tous les détails sur les crimes odieux commis en Rd Congo et qui ne devaient pas du tout laisser la Cpi indifférente. Par le truchement du journal Le Monde, les circonstances de la mort de six millions de congolais sont désormais connues et désormais plus de difficultés quant à interpeller les auteurs présumés de ces crimes contre l’humanité.

Quant bien même ce présent rapport n’a pas pour objectif première d’établir les identités des auteurs présumés de ces crimes odieux commis en Rd Congo et ayant occasionné au bas mot quelques six millions de morts. Il ne souffre plus d’aucun doute que désormais le chemin est balisé pour désigner enfin les vrais auteurs de ces crimes afin qu’ils répondent de leurs responsabilités devant les juridictions spécialisées internationales.

Mais comme cela est bien dit dans l’introduction dudit rapport, la grande responsabilité incombe au peuple congolais et à ses dirigeants politiques qui ont la lourde tache de sensibiliser la communauté internationale sur la nécessité de ces poursuites.

Kinshasa aura-t-elle le courage de pousser la logique jusqu’au bout, surtout fort de la complexité de rapports entre le Rwanda et la Rd CONGO ? A chacun d’apprécier le niveau d’engagement du gouvernement de Joseph Kabila pour qu’enfin toute la vérité soit rétablie et la mémoire de ces six millions de congolais réhabilitée. « …L’impact final du projet dont ce rapport est issu dépendra du suivi et des relais pris par les autorités et la population congolaise. Il appartient à la RDC et à son peuple de prendre les devants dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur stratégie sur la justice transitionnelle. Ils devraient aussi pouvoir compter à cet égard sur le soutien de la communauté internationale ».

Vu le volume dudit rapport, nous allons le publier progressivement. Néanmoins, la pièce jointe peut directement être consultée sur le site.

Préface

Le présent rapport est le fruit de nombreux entretiens et échanges avec plusieurs centaines d’interlocuteurs, tant Congolais qu’étrangers, qui ont vécu les atrocités commises dans ce pays. Il s’efforce de refléter leurs témoignages ainsi que leurs aspirations pour la justice. Cependant, aucun rapport ne peut suffisamment décrire l’horreur de ce que les populations civiles au Zaïre, devenu République démocratique du Congo ont vécu. Preque chaque personne a une ou plusieurs histoires de souffrance et de perte à raconter. Certaines victimes sont devenues auteurs de crimes et certains responsables de crimes ont été victimes à leur tour de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire dans un cycle de violence qui n’est pas encore terminé. Ce rapport se veut représentatif dans sa description des violences qui ont affecté directement ou indirectement une vaste majorité de la population congolaise. Il ne vise pas à attribuer de responsabilités individuelles, ni à blâmer un groupe plutôt qu’un autre. Cependant, en toute franchise, il laisse aux victimes et témoins la description parfois brutale des tragédies qu’ils ont vécues. Il se veut un premier pas vers un exercice de vérité parfois douloureux mais combien nécessaire.

Le présent rapport procède également à une évaluation de la justice en RDC inspiré des réflexions et avis de nombreux acteurs et intervenants du système, y compris ceux qui en sont également victimes. Il offre quelques options afin d’inspirer les acteurs Congolais et internationaux impluqués dans la difficile tâche de redresser l’édifice de la justice, qui fait face à de multiples défis. Il plaide pour un engagement rénouvellé des autorités à redonner à la justice sa place en tant que l’un des piliers fondamentaux de la démocratie congolaise. Finalement, il regarde vers l’avenir en formulant différentes options que pourrait emprunter la société congolaise pour composer avec son passé, lutter contre l’impunité et faire face au présent à l’abri du danger de voir se répéter tant d’horreurs.

Par leur temoignages et contributions à ce rapport, le peuple congolais a demontré son engagement à la vérité et à la justice. L’impact final du projet dont ce rapport est issu dépendra du suivi et des relais pris par les autorités et la population congolaise. Il appartient à la RDC et à son peuple de prendre les devants dans l’élaboration et la mise en œuvre de leur stratégie sur la justice transitionnelle. Ils devraient aussi pouvoir compter à cet égard sur le soutien de la communauté internationale. Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’engage à rester un partenaire engagé de la République Démocratique du Congo dans la recherce d’une paix réellement durable.

Navanethem Pillay Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

RÉSUMÉ EXÉCUTIF

Historique et mandat

1. La découverte par la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) de trois fosses communes dans le Nord-Kivu à la fin de 2005 s’est imposée comme un douloureux rappel que les graves violations des droits de l’homme commises dans le passé en République démocratique du Congo (RDC) demeuraient largement impunies et fort peu enquêtées. Après de nombreuses consultations au sein de l’Organisation des Nations Unies, l’idée initiale de réactiver l’Équipe d’enquête du Secrétaire général de 1997-1998 fut écartée au profit d’un projet plus large. Des consultations entre le Département des opérations de maintien de la paix du Secrétariat, la MONUC, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Département des affaires politiques, le Bureau des affaires juridiques et le Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide du Secrétariat ont abouti à un accord visant à fournir aux autorités congolaises les outils nécessaires pour entamer la lutte contre l’impunité. Il a été recommandé de procéder à un inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur l’ensemble du territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 et, à partir des résultats de cette opération, d’évaluer les moyens dont le système national de justice congolais dispose pour traiter ces violations et de formuler différentes options possibles de mécanismes appropriés de justice transitionnelle qui permettraient de lutter contre l’impunité régnant en RDC.

2. Le Secrétaire général, dans son rapport du 13 juin 2006 au Conseil de sécurité sur la situation en RDC, a exprimé son intention d’« envoyer une équipe de spécialistes des droits de l’homme en République démocratique du Congo pour y dresser l’inventaire des violations graves qui y ont été commises entre 1993 et 2003 » . Cette décision a été réaffirmée par le Secrétaire général dans ses deux rapports suivants en date des 21 septembre 2006 et 20 mars 2007 . Le 8 mai 2007, le Secrétaire général a entériné le mandat du Projet Mapping qui délimitait les trois objectifs suivants :

• Dresser l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003.

• Évaluer les moyens dont dispose le système national de justice pour donner la suite voulue aux violations des droits de l’homme qui seraient ainsi découvertes.

• Élaborer, compte tenu des efforts que continuent de déployer les autorités de la RDC ainsi que du soutien de la communauté internationale, une série de formules envisageables pour aider le Gouvernement de la RDC à identifier les mécanismes appropriés de justice transitionnelle permettant de traiter les suites de ces violations en matière de vérité, de justice, de réparations et de réforme .

3. Par la suite, le Projet Mapping a été présenté au Président Joseph Kabila, qui l’accueillit favorablement, par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme lors de sa visite de mai 2007 en RDC. En décembre 2007, le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 1794 (2007), a demandé aux autorités congolaises de soutenir pleinement le Projet Mapping entrepris par le HCDH. Le 30 juin 2008, la Haut-Commissaire a écrit au Président Kabila afin de lui annoncer la venue imminente de l’équipe chargée de mener à bien le Projet Mapping qui a commencé officiellement le 17 juillet 2008 avec l’arrivée de son Directeur à Kinshasa. Une vingtaine d’officiers des droits de l’homme ont été déployés sur l’ensemble du territoire de la RDC d’octobre 2008 à mai 2009 afin d’y recueillir des documents et témoignages permettant de répondre aux trois objectifs définis par le mandat. Le Gouvernement congolais a à plusieurs occasions exprimé son soutien au Projet Mapping, notamment lors du discours prononcé en novembre 2008 par le Ministre des droits humains pendant la session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans l’est de la RDC et au cours des différentes rencontres entre le directeur du Projet Mapping et les Ministres de la justice et des droits humains.

Le Mapping

4. Un mapping est une expression générique à laquelle aucune méthodologie prédéterminée ni aucun format prédéfini n’est associé . En soi, un exercice de mapping doit s’intéresser non seulement aux violations mais aussi aux contextes dans lesquels celles-ci ont été commises, au niveau d’une région spécifique ou, comme dans le cas présent, sur toute l’étendue d’un pays. Pareil exercice a recours à différentes activités parmi lesquelles la collecte, l’analyse et l’évaluation d’informations contenues dans de multiples rapports et documents émanant de différentes sources, des rencontres et interviews de témoins ainsi que la consultation d’experts et de personnes ressources. Toutefois, un mapping n’est pas une fin en soi. Il demeure un exercice préliminaire qui s’inscrit en amont de plusieurs mécanismes de justice transitionnelle, judiciaires ou non. Il représente une démarche essentielle qui permet d’identifier les défis, d’évaluer les besoins et de mieux cibler les interventions.

5. Le mandat du Projet Mapping enjoignait à l’Équipe de « mener à bien son travail le plus rapidement possible, pour aider le nouveau Gouvernement en le dotant des outils nécessaires pour gérer les processus post-conflit » . En fixant la durée du déploiement des équipes du Projet Mapping à six mois avec pour mandat de dresser un inventaire des violations les plus graves commises pendant dix ans sur l’ensemble du territoire de la RDC, le Secrétaire général en dictait pour ainsi dire la méthodologie. Il ne s’agissait dès lors pas de se livrer à des enquêtes approfondies ou d’obtenir des preuves qui seraient admissibles comme telles devant un tribunal, mais plutôt de « fournir les éléments de base nécessaires pour formuler des hypothèses initiales d’enquête en donnant une idée de l’ampleur des violations, en établissant leurs caractéristiques et en identifiant les possibilités d’obtention de preuve » . Ainsi, en matière de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, le Mapping présente une description des violations, de leur situation géographique et temporelle, en révèle la nature en les qualifiant en droit, dévoile qui en sont les victimes et leur nombre approximatif et à quel groupe – souvent armé – appartiennent les auteurs. Cet exercice s’est effectué « de façon chronologique et province par province » .

6. Compte tenu de l’ampleur des violations commises au cours des dix années de conflit sur tout le territoire de la RDC, une sélection des incidents les plus graves s’imposait. Afin de sélectionner ces incidents, une échelle de gravité utilisant une série de critères permettant d’identifier les incidents suffisamment graves pour être inclus dans le rapport final a été appliquée. Les critères utilisés se divisent en quatre catégories : 1) la nature des crimes et violations révélés par l’incident, 2) l’étendue (le nombre) des crimes et violations révélés par l’incident, ainsi que le nombre de victimes, 3) la façon dont les crimes et violations ont été commis et 4) l’impact des crimes et violations qui ont été commis sur une communauté, une région ou le cours des événements.

7. L’objectif premier du Mapping étant de « rassembler les informations de base sur les incidents découverts », le niveau de preuve requis était de toute évidence inférieur à ce qui est exigé en matière criminelle devant une instance judiciaire. Il ne s’agissait donc pas d’être convaincu hors de tout doute raisonnable de l’existence d’une infraction mais plutôt d’avoir une suspicion raisonnable que l’incident s’était produit. On définit la suspicion raisonnable comme « nécessitant un ensemble d’indices fiables correspondant à d’autres circonstances confirmées, tendant à montrer que l’incident s’est produit » . L’évaluation de la fiabilité des informations obtenues s’est faite en deux temps, en considérant d’abord la fiabilité et la crédibilité de la source et par la suite la validité et la véracité des informations en tant que telles .

8. L’objectif du Projet Mapping n’était pas d’établir ou de tenter d’établir la responsabilité pénale individuelle de certains acteurs, contrairement à certaines commissions d’enquête dont le mandat requiert spécifiquement d’identifier les auteurs de violations afin de s’assurer que les responsables aient à répondre de leurs actes, mais plutôt d’exposer clairement la gravité des violations commises dans le but d’inciter une démarche visant à mettre fin à l’impunité et d’y contribuer. Ce choix s’explique d’autant plus que, compte tenu de la méthodologie adoptée et du niveau de preuve utilisé dans cet exercice, il aurait été imprudent, voire inéquitable de chercher à imputer à quiconque une responsabilité pénale individuelle, ce qui relève d’abord et avant tout d’une démarche judiciaire basée sur un niveau de preuve approprié. Par contre, le rapport identifie à quel groupe armé appartenait le ou les auteurs présumés, l’identification des groupes impliqués étant en effet indispensable pour pouvoir qualifier ces crimes juridiquement. En conséquence, toute information obtenue sur l’identité des auteurs présumés de certains des crimes répertoriés n’apparaît pas dans le présent rapport mais est consignée dans la base de données confidentielle du Projet remise à la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme . Toutefois, lorsque les auteurs sont actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt ou ont déjà été condamnés par la justice pour des faits répertoriés dans le rapport, leur identité a été révélée. Il est à noter également que lorsque des responsables politiques ont pris, de manière publique, des positions encourageant ou suscitant les violations répertoriées, leur nom a été cité dans les paragraphes relatifs au contexte politique.

9. Faire un mapping des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC durant la période à l’examen a posé plusieurs défis. Malgré l’ampleur de la violence extrême qui caractérise les violations dans certaines provinces du pays, il a également été nécessaire de prendre en compte les violations de moindre intensité dans des régions apparemment moins affectées afin de poser un regard sur l’ensemble du territoire. Pour cela l’échelle de gravité a été adaptée à chaque province. Confirmer des violations survenues plus de dix ans auparavant a parfois été difficile du fait du déplacement des témoins ou des victimes et du temps écoulé. Dans certains cas, les violations qui apparaissaient de prime abord comme des crimes isolés se sont avérées parties intégrantes de vagues de violence survenues dans un espace géographique donné ou au cours d’une période déterminée. Force est de constater que devant le nombre effrayant de violations commises de 1993 à 2003, l’immensité du pays et les difficultés d’accès à de nombreux sites, pareil mapping demeure nécessairement incomplet et ne peut en aucun cas restituer la complexité de chaque situation ni rendre pleinement justice à l’ensemble des victimes. Nous le regrettons.

10. Le rapport du Projet Mapping comprend une description de plus de 600 incidents violents survenus sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003. Chacun de ces incidents révèle la perpétration de graves violations des droits de l’homme ou du droit international humanitaire. Chacun des incidents répertoriés s’appuie sur au moins deux sources indépendantes identifiées dans le rapport. Un incident non corroboré – s’appuyant sur une seule source – aussi grave soit-il, ne fait pas partie du présent rapport. Plus de 1 500 documents relatifs aux violations des droits de l’homme commises durant cette période ont été rassemblés et analysés en vue d’établir une première chronologie par province des principaux violents incidents rapportés. Seuls les incidents dont le niveau de gravité était suffisamment élevé selon l’échelle de gravité développée dans notre méthodologie ont été retenus. Par la suite, les Équipes Mapping sur le terrain ont rencontré plus de 1 280 témoins en vue de confirmer ou d’infirmer les violations répertoriées dans la chronologie. Au cours de ces entretiens, des informations ont également été recueillies sur des crimes jamais documentés auparavant.

Déroulement du Projet Mapping

11. Tout au long du déroulement du Projet Mapping, des contacts ont été établis avec des organisations non gouvernementales (ONG) congolaises afin d’obtenir des informations, rapports et documents sur les violations sérieuses des droits de l’homme et du droit international humanitaire survenues en RDC au cours de la période couverte par le mandat. Ainsi, plus de 200 représentants d’ONG ont été rencontrés, à la fois pour présenter le Projet et solliciter leur collaboration. Grâce à cette collaboration, l’Équipe Mapping a eu accès à des informations, témoins et rapports cruciaux liés aux violations commises entre 1993 et 2003. Sans le travail courageux et remarquable des ONG congolaises durant ces dix ans, le Projet aurait eu de grandes difficultés à documenter les nombreuses violations commises.

12. Des rencontres avec les autorités congolaises ont également eu lieu, particulièrement avec les autorités judiciaires civiles et militaires à travers le pays, des représentants du Gouvernement, notamment les Ministres de la justice et des droits humains, et les organes nationaux chargés de la réforme du système judiciaire.

13. Les principaux partenaires du Projet Mapping [MONUC, Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) et missions diplomatiques] de même que les acteurs impliqués dans le domaine des droits de l’homme et la lutte contre l’impunité en RDC (notamment organismes des Nations Unies, ONG internationales, groupes religieux et syndicats) ont également été rencontrés afin d’expliquer le Projet et de solliciter leur collaboration. Partout l’accueil a été chaleureux et la collaboration fructueuse.

14. Le Projet Mapping s’est déroulé en trois phases successives :

• La première phase a commencé avec l’arrivée du Directeur, en juillet 2008, et a été consacrée au recrutement des équipes, à la collecte, l’analyse et l’utilisation de documents, publics et confidentiels, émanant de toutes sources d’informations existantes sur les violations commises durant la période examinée. Plus de 1 500 documents à ce sujet provenant de plusieurs sources, dont certaines confidentielles, ont été obtenus, y compris de l’Organisation des Nations Unies, du Gouvernement congolais, des organisations congolaises des droits de l’homme, des grandes organisations internationales des droits de l’homme, des médias nationaux et internationaux et de diverses ONG (notamment syndicats, groupes religieux, groupes humanitaires et groupes de victimes). De plus, différents experts nationaux et internationaux ont été consultés afin d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche, de compléter certaines informations obtenues et d’affiner l’analyse générale de la situation.

• La deuxième phase a commencé le 17 octobre 2008 avec le déploiement des équipes dans le pays afin de mener à bien l’exécution du mandat dans toutes les provinces de la RDC à partir de cinq bureaux régionaux , soit les enquêtes, consultations et analyses nécessaires tant à l’élaboration de l’inventaire des violations les plus graves qu’à l’évaluation des moyens dont dispose le système judiciaire congolais pour y faire face et la formulation des options en matière de mécanismes de justice transitionnelle qui pourraient contribuer à la lutte contre l’impunité. Cette phase a permis de vérifier les informations préalablement obtenues afin de les corroborer ou de les infirmer à l’aide de sources indépendantes tout en obtenant de nouvelles informations concernant des violations jamais rapportées auparavant.

• La troisième phase s’est amorcée avec la fermeture des bureaux régionaux, le 15 mai 2009. Elle a visé à compiler toutes les données recueillies et à procéder à la rédaction du rapport final. Durant cette période, des consultations régionales en matière de justice transitionnelle ont été tenues avec la société civile à Bunia, Bukavu, Goma et Kinshasa. Le rapport final fut remis le 15 juin 2009 au HCDH où il a été revu, commenté et finalisé.

I. Inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003

15. La période couverte par le présent rapport, de mars 1993 à juin 2003, constitue probablement l’un des chapitres les plus tragiques de l’histoire récente de la RDC. Ces dix années ont, en effet, été marquées par une série de crises politiques majeures, de guerres et de nombreux conflits ethniques et régionaux qui ont provoqué la mort de centaines de milliers, voire de millions, de personnes. Rares ont été les civils, congolais et étrangers, vivant sur le territoire de la RDC qui ont pu échapper à ces violences, qu’ils aient été victimes de meurtres, d’atteintes à leur intégrité physique, de viols, de déplacements forcés, de pillages, de destructions de biens ou de violations de leurs droits économiques et sociaux. Le but ultime de cet inventaire, mis à part sa contribution historique à la documentation de ces graves violations et à l’établissement des faits survenus durant cette période, consiste à fournir aux autorités congolaises des éléments pour les aider à décider de la meilleure approche à adopter pour rendre justice aux nombreuses victimes et combattre l’impunité qui sévit à cet égard.

16. Le rapport du Projet Mapping est présenté de façon chronologique, reflétant quatre grandes périodes de l’histoire récente de la RDC, chacune précédée d’une introduction expliquant le contexte politico-historique dans lequel les violations ont été commises. Chaque période est divisée par province et parfois subdivisée par groupe de victimes et présente la description des violations commises, les groupes impliqués et le nombre approximatif de victimes.

A. Mars 1993–juin 1996 : échec du processus de démocratisation et crise régionale

17. La première période couvre les violations commises au cours des dernières années de pouvoir du Président Mobutu et est marquée par l’échec du processus de démocratisation et les conséquences dévastatrices du génocide survenu au Rwanda sur l’État zaïrois en déliquescence, en particulier dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Au cours de cette période, 40 incidents ont été répertoriés. Les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire se sont concentrées pour l’essentiel au Katanga, au Nord-Kivu et dans la ville province de Kinshasa.

B. Juillet 1996–juillet 1998 : première guerre et régime de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL)

18. La deuxième période s’intéresse aux violations perpétrées pendant la première guerre et la première année du régime mis en place par le Président Laurent-Désiré Kabila et répertorie le plus grand nombre d’incidents de toute la décennie examinée, soit 238. Les informations disponibles aujourd’hui confirment l’importance du rôle des États tiers dans la première guerre et leur implication directe dans cette guerre qui a mené au renversement du régime de Mobutu . Au début de la période, des violations sérieuses ont été commises à l’encontre de civils tutsi et banyamulenge , principalement au Sud-Kivu. Puis cette période a été caractérisée par une poursuite impitoyable et des massacres de grande ampleur (104 incidents répertoriés) de réfugiés hutu, de membres des anciennes Forces armées rwandaises (appelées par la suite ex-FAR) ainsi que de milices impliquées dans le génocide de 1994 (les Interahamwe) par les forces de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL). Dont une partie des troupes, de l’armement et de la logistique étaient fournis par l’Armée patriotique rwandaise (APR), par la « Uganda People’s Defence Force » (UPDF) et par les Forces armées burundaises (FAB) à travers tout le territoire congolais. Les réfugiés hutu, que les ex-FAR/Interahamwe ont parfois encadrés et employés comme boucliers humains au cours de leur fuite, ont alors entrepris un long périple à travers le pays qu’ils ont traversé d’est en ouest en direction de l’Angola, de la République centrafricaine ou de la République du Congo. Cette période a également été marquée par de graves attaques contre les autres populations civiles, dans toutes les provinces sans exception, notamment par les Forces armées zaïroises (FAZ) en repli vers Kinshasa, les ex-FAR Interahamwe fuyant devant l’AFDL/APR et les Mayi-Mayi .

C. Août 1998–janvier 2000 : deuxième guerre

19. La troisième période dresse l’inventaire des violations commises entre le déclenchement de la deuxième guerre, en août 1998, et la mort du Président Kabila. Cette période comporte 200 incidents et est caractérisée par l’intervention sur le territoire de la RDC des forces armées régulières de plusieurs États, combattant avec les Forces armées congolaises (FAC) [Zimbabwe, Angola et Namibie] ou contre elles, en plus de l’implication de multiples groupes de miliciens et de la création d’une coalition regroupée sous la bannière d’un nouveau mouvement politico-militaire, le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD), qui se scindera à plusieurs reprises. Durant cette période la RDC fut la proie de plusieurs conflits armés : « Certains (…) internationaux, d’autres internes et (…) des conflits nationaux qui ont pris une tournure internationale. Au moins huit armées nationales et 21 groupes armés irréguliers prennent part aux combats » . Malgré la signature à Lusaka, le 10 juillet 1999, d’un accord de cessez-le-feu entre toutes les parties prévoyant le respect du droit international humanitaire par toutes les parties et le retrait définitif de toutes les forces étrangères du territoire national de la RDC, les combats ont continué tout comme les graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par toutes les parties au conflit. Le 16 juin 2000, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1304 (2000), a demandé à toutes les parties de cesser les combats et exigé que le Rwanda et l’Ouganda se retirent du territoire de la RDC dont ils avaient violé la souveraineté. Il faudra pourtant attendre 2002, suite à la signature de deux nouveaux accords, celui de Pretoria avec le Rwanda et celui de Luanda avec l’Ouganda, pour que s’amorce le retrait des ces forces étrangères du pays .

20. Cette période a été marquée par des attaques contre les civils de morphologie tutsi, notamment à Kinshasa, au Katanga, en province Orientale, dans les deux Kasaï, au Maniema et au Nord-Kivu. Dans le contexte de la guerre et des conflits sur l’ensemble du territoire, la population civile en général a été victime de graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire par toutes les parties aux conflits et sur tout le territoire, mais particulièrement au Nord-Kivu et au Sud-Kivu, en province Orientale, notamment en Ituri, au Katanga, en Équateur ainsi qu’au Bas-Congo.

D. Janvier 2001–juin 2003 : vers la transition

21. Enfin, la dernière période répertorie 139 incidents qui décrivent les violations perpétrées malgré la mise en place progressive d’un cessez-le-feu le long de la ligne de front et l’accélération des négociations de paix en vue du lancement de la période de transition, le 30 juin 2003. Durant cette période, les violences qui ont secoué la province de l’Ituri, notamment les conflits ethniques entre les Lendu et les Hema, ont atteint un seuil d’intensité inconnu jusqu’alors. La période a été marquée par un conflit ouvert entre les Forces armées congolaises (FAC) et les forces Mayi-Mayi dans la province du Katanga. Comme lors des périodes précédentes les populations civiles de tout le territoire ont été les principales victimes des parties aux conflits, notamment en province Orientale, au Nord-Kivu, au Sud-Kivu, au Maniema ainsi qu’au Kasaï oriental.

E. Qualification juridique des violences commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003

22. Force est de constater que la vaste majorité des 617 incidents les plus graves inventoriés dans le présent rapport révèle de la commission de multiples violations des droits de l’homme mais surtout du droit international humanitaire. Il n’est apparu ni opportun ni indispensable de qualifier en droit chacun des centaines d’incidents violents répertoriés. Il a ainsi été convenu d’identifier plutôt le cadre juridique applicable aux principales vagues de violence et de tirer des conclusions sur la qualification juridique générale des incidents ou groupes d’incidents rapportés.

Crimes de guerre

23. On entend généralement par ce terme toutes violations graves du droit international humanitaire commises à l’encontre de civils ou de combattants ennemis à l’occasion d’un conflit armé international ou interne, violations qui entraînent la responsabilité pénale individuelle de leurs auteurs. Ces crimes découlent essentiellement des Conventions de Genève du 12 août 1949 et de leurs Protocoles additionnels I et II de 1977 et des Conventions de La Haye de 1899 et 1907. Leur codification la plus récente se trouve à l’article 8 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) de 1998.

24. La vaste majorité des incidents répertoriés dans le présent rapport révèlent la commission d’actes prohibés tel que meurtres, atteintes à l’intégrité physique ou à la santé, viols, attaques intentionnelles contre la population civile, pillages et destructions de biens civils, parfois indispensables à la survie de la population civile, de façon illicite et arbitraire. Ces actes ont été commis en grande majorité contre des personnes protégées telles que définies par les Conventions de Genève, notamment des personnes qui ne participent pas aux hostilités, particulièrement les populations civiles, ainsi que celles mises hors de combat. C’est le cas notamment des personnes vivant dans les camps de réfugiés qui constituent une population civile ne participant pas aux hostilités, malgré la présence de militaires parmi eux dans certains cas. Finalement, nul doute que les violents incidents répertoriés dans le présent rapport s’inscrivent pour la presque totalité dans le cadre d’un conflit armé, qu’il soit de caractère international ou non. La durée et l’intensité des violents incidents décrits, de même que le niveau d’organisation des groupes impliqués permettent d’affirmer, à quelques exceptions près, qu’il s’agit bien d’un conflit interne et non de simple troubles ou tensions internes ou d’actes de banditisme. En conclusion, la grande majorité des violents incidents répertoriés dans le présent rapport résultent de conflits armés et révèlent la commission de crimes de guerre en tant que violations graves du droit international humanitaire.

Crimes contre l’humanité

25. La définition de ce terme a été codifiée au paragraphe 1 de l’article 7 du Statut de Rome de la CPI. Lorsque des actes tels que le meurtre, l’extermination, le viol, la persécution et tous autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale sont commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile et en connaissance de cette attaque », ils constituent des crimes contre l’humanité.

26. Le présent rapport montre que la grande majorité des incidents répertoriés s’inscrit dans le cadre d’attaques généralisées ou systématiques, dépeignant de multiples actes de violence de grande ampleur, menés de manière organisée et ayant causé de nombreuses victimes. La plupart de ces attaques ont été lancées contre des populations civiles non combattantes composées en majorité de femmes et d’enfants. En conséquence, la très plupart des actes de violence perpétrés durant ces années, qui s’inscrivent dans des vagues de représailles, des campagnes de persécution et de poursuite de réfugiés, se sont généralement toutes transposées en une série d’attaques généralisées et systématiques contre des populations civiles et pourraient ainsi être qualifiées de crimes contre l’humanité par un tribunal compétent.

Crime de génocide

27. Depuis sa première formulation en 1948, à l’article 2 de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la définition du crime est demeurée sensiblement la même. On la trouve à l’article 6 du Statut de Rome, qui définit le crime de génocide « comme l’un quelconque des actes ci-après commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel ». Cette définition est suivie d’une série d’actes qui représentent de graves violations du droit à la vie et à l’intégrité physique ou mentale des membres du groupe. La Convention prévoit également que sont punissables non seulement l’exécution en tant que telle, mais aussi l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe et publique, la tentative et la complicité . C’est l’intention spécifique de détruire un groupe mentionné en tout ou en partie qui distingue le crime de génocide du crime contre l’humanité.

28. La question de savoir si les nombreux graves actes de violence commis à l’encontre des Hutu (réfugiés et autres) constituent des crimes de génocide a soulevé de nombreux commentaires et demeure irrésolue jusqu’à présent. De fait, elle ne pourra être tranchée que par une décision judiciaire basée sur une preuve ne laissant subsister aucun doute raisonnable. À deux reprises, en 1997 et en 1998, des rapports de l’Organisation des Nations Unies ont examiné s’il existait ou non des crimes de génocide commis à l’encontre des Hutu réfugiés et autres réfugiés au Zaïre devenu la RDC. Dans les deux cas, les rapports ont conclu qu’il existait des éléments qui pouvaient indiquer qu’un génocide avait été commis mais, au vu du manque d’informations, les équipes d’enquête n’ont pas été en mesure de répondre à la question et ont demandé qu’une enquête plus approfondie soit menée . Le Projet Mapping s’est également penché sur cette question, conformément à son mandat et en a tiré les conclusions suivantes.

29. Au moment des incidents couverts par le présent rapport, la population hutu au Zaïre, y compris les réfugiés venus du Rwanda, constituait un groupe ethnique au sens de la Convention susmentionnée. Plusieurs incidents répertoriés semblent confirmer que les multiples attaques visaient les membres du groupe ethnique hutu comme tel, et non pas seulement les criminels responsables du génocide commis en 1994 à l’égard des Tutsi au Rwanda et qu’aucun effort n’avait été fait par l’AFDL/APR pour distinguer entre les Hutu membres des ex-FAR et les Hutu civils, réfugiés ou non.

30. L’intention de détruire un groupe en partie est suffisante pour constituer un crime de génocide et les tribunaux internationaux ont confirmé que la destruction d’un groupe peut être limitée à une zone géographique particulière . On peut donc affirmer que, même si seulement une partie du groupe ethnique hutu présent au Zaïre a été ciblée et détruite, cela pourrait néanmoins constituer un crime de génocide si telle était l’intention des auteurs. Plusieurs incidents répertoriés dans ce rapport révèlent des circonstances et des faits à partir desquels un tribunal pourrait tirer des inférences de l’intention de détruire en partie le groupe ethnique hutu en RDC, s’ils sont établis hors de tout doute raisonnable

31. L’ampleur des crimes et le nombre important de victimes, probablement plusieurs dizaines de milliers, toutes nationalités confondues, sont démontrés par les nombreux incidents répertoriés dans le rapport (104 incidents). L’usage extensif d’armes blanches (principalement des marteaux) et les massacres systématiques de survivants après la prise des camps démontrent que les nombreux décès ne sont pas imputables aux aléas de la guerre ou assimilables à des dommages collatéraux . Parmi les victimes, il y avait une majorité d’enfants, de femmes, de personnes âgées et de malades, souvent sous-alimentés, qui ne posaient aucun risque pour les forces attaquantes . De nombreuses atteintes graves à l’intégrité physique ou mentale de membres du groupe ont été également commises, avec un nombre très élevé de Hutu blessés par balle, violés, brûlés ou battus. La nature systématique, méthodologique et préméditée des attaques répertoriées contre les Hutu ressort également : ces attaques se sont déroulées dans chaque localité où des réfugiés ont été dépistés par l’AFDL/APR sur une très vaste étendue du territoire . La poursuite a duré des mois, et à l’occasion, l’aide humanitaire qui leur était destinée a été sciemment bloquée, notamment en province Orientale, les privant ainsi d’éléments indispensables à leur survie . Ainsi les attaques systématiques et généralisées décrites dans le présent rapport révèlent plusieurs éléments accablants qui, s’ils sont prouvés devant un tribunal compétent, pourraient être qualifiés de crimes de génocide.

32. Il est à noter cependant que certains éléments pourraient faire hésiter un tribunal à conclure à l’existence d’un plan génocidaire, comme le fait qu’à partir du 15 novembre 1996 plusieurs dizaines de milliers de réfugiés hutu rwandais, dont de nombreux survivants d’attaques précédentes, ont été rapatriés au Rwanda avec le concours des autorités de l’AFDL/APR et que des centaines de milliers de réfugiés hutu rwandais ont pu rentrer au Rwanda avec l’assentiment des autorités rwandaises. Si en général les tueries n’ont pas épargné les femmes et les enfants, on notera qu’à certains endroits, particulièrement au début de la première guerre en 1996, des femmes et des enfants hutu ont été effectivement séparés des hommes, qui seuls furent tués par la suite .

33. Toutefois, ni le fait de ne cibler que les hommes dans les massacres , ni celui de permettre à une partie du groupe de quitter le pays ou même de faciliter leurs déplacements pour différentes raisons ne permettent en soi d’écarter totalement l’intention de certaines personnes de détruire en partie un groupe ethnique comme tel et ainsi de commettre un crime de génocide. Il appartiendra à un tribunal compétent d’en décider.

II. Inventaire des actes de violence spécifiques commis pendant les conflits en RDC

34. Conscients que la méthodologie utilisée pour la première section du rapport ne permettrait pas de rendre pleinement justice aux nombreuses victimes des violences spécifiques telles que la violence sexuelle et la violence à l’égard des enfants, ni de refléter adéquatement l’ampleur de ces violences, pratiquées par tous les groupes armés en RDC, et ne permettrait pas d’analyser les causes de certains des conflits, il a été décidé dès le début du Projet d’en consacrer une partie à ces thèmes. Cette approche a permis de mettre en évidence le caractère récurrent, généralisé et systématique de ce type de violations et d’en faire une brève analyse.

A. Inventaire des actes de violence commis contre les femmes et violences sexuelles

35. Cette partie met en évidence que les femmes et les filles ont payé un tribut particulièrement lourd au cours de la décennie 1993-2003, notamment en raison de leur vulnérabilité socio-économique et culturelle qui a favorisé les formes de violence extrême qu’elles ont subies. La violence en RDC s’est en effet accompagnée d’un usage systématique du viol et des agressions sexuelles par toutes les forces combattantes. Le présent rapport met en évidence le caractère récurrent, généralisé et systématique de ces phénomènes et conclut que la majeure partie des violences sexuelles examinées constitue des infractions et des crimes au regard du droit national ainsi qu’au regard des règles des droits de l’homme et du droit international humanitaire. De plus, l’Équipe Mapping a pu confirmer des cas massifs de violences sexuelles qui avaient été peu ou non documentés, notamment le viol d’enfants et de femmes refugiés hutu en 1996 et 1997.

36. Ce chapitre souligne que l’ampleur et la gravité des violences sexuelles sont notamment le résultat du manque d’accès à la justice par les victimes et de l’impunité qui a régné pendant ces dernières décennies, qui ont rendu les femmes encore plus vulnérables qu’elles ne l’étaient déjà. Du fait de cette impunité quasi-totale, le phénomène de la violence sexuelle perdure jusqu’à aujourd’hui, même dans les zones où les combats ont cessé, et s’accentue là où les conflits se poursuivent.

B. Inventaire des actes de violence commis contre les enfants

37. Ce chapitre montre que les enfants n’ont pas échappé aux vagues de violence successives qui ont déferlé sur la RDC et que, bien au contraire, ils en ont souvent été les premières victimes. En effet, lors de la commission de crimes internationaux contre les civils, les enfants sont toujours affectés parce qu’ils sont particulièrement fragiles et que la violence supprime leur première ligne de défense – leurs parents. Même lorsque les enfants ne sont pas des victimes directes, le fait de voir leurs parents tués ou violés, leurs biens pillés et leurs lieux d’habitation incendiés laisse en eux de profonds traumatismes. Les déplacements les rendent plus vulnérables à la malnutrition et aux maladies. Leur jeune âge en font les cibles de croyances et superstitions abjectes, qui prétendent notamment que les relations sexuelles avec des enfants permettent de soigner certaines maladies ou rendent les violeurs invincibles. En dernier lieu, la guerre les prive généralement de leur droit à l’éducation et compromet souvent ainsi leur avenir de façon durable .

38. La décennie 1993-2003 a également été marquée par l’emploi généralisé par toutes les parties aux conflits d’enfants associés aux forces et groupes armés (EAFGA), ce qui fait de la RDC l’un des pays au monde le plus affecté par ce phénomène. Dans les camps militaires, ces enfants ont subi des violences indescriptibles, telles que meurtres, viols, torture, traitements cruels, inhumains et dégradants et ont été privés de tous leurs droits. Le rapport souligne que les EAFGA ont aussi parfois été forcés de commettre de très sérieuses violations mais qu’en termes de justice, il est essentiel de poursuivre d’abord les dirigeants politiques et militaires responsables pour les crimes commis par les EAFGA placés sous leurs ordres selon le principe de la supériorité hiérarchique et de la personne la plus responsable, ainsi que d’enquêter pour établir dans quelle mesure les enfants ont agi sous la contrainte ou l’influence de leurs supérieurs adultes.

39. Le chapitre conclut que le recrutement et l’emploi d’EAFGA est toujours une réalité et cite notamment l’opération militaire conjointe entre la MONUC et les Forces armées de la RDC (FARDC) « Kimia II » au Sud-Kivu, pendant laquelle l’utilisation d’EAFGA a été déplorée , et souligne que les FAC devenues FARDC ont été citées depuis 2002 dans chaque rapport du Secrétaire général sur les enfants et les conflits armés pour avoir recruté et employé des EAFGA .

C. Inventaire des actes de violence liés à l’exploitation des ressources naturelles

40. Finalement, fort du constat qu’on ne pouvait dresser l’inventaire des violations les plus graves commises sur le territoire de la RDC entre 1993 et 2003 sans examiner, même brièvement, le rôle qu’a joué l’exploitation des ressources naturelles dans la commission de ces crimes, le chapitre III met en lumière que, dans un nombre important d’événements, la lutte entre les différents groupes armés pour le contrôle des richesses de la RDC a servi de toile de fond à nombre de violations perpétrées à l’encontre des populations civiles.

41. Dans ce chapitre, le lien entre l’exploitation des ressources naturelles et les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire a été analysé sous trois angles différents : premièrement, les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par les parties au conflit dans le cadre de la lutte pour l’accès et le contrôle des zones les plus riches, deuxièmement, les violations commises par les groupes armés lorsqu’ils occupent durablement une zone économiquement riche et, troisièmement, les immenses profits tirés de l’exploitation des ressources naturelles qui ont été un moteur et une source de financement des conflits et qui sont en eux-mêmes source et cause des violations les plus graves.

42. Le présent rapport conclut qu’il ne fait aucun doute que l’abondance des ressources naturelles en RDC et l’absence de réglementation et de responsabilité dans ce secteur a créé une dynamique particulière qui a manifestement contribué directement aux violations généralisées ainsi qu’à leur perpétuation et que des compagnies étatiques ou privées, nationales et étrangères, portent une responsabilité dans la commission de ces crimes.

III. Évaluation des moyens dont dispose le système national de justice pour traiter des graves violations répertoriées

43. Un aspect important du mandat du Projet Mapping concernait l’évaluation des moyens dont dispose le système judiciaire congolais pour faire face aux nombreux crimes commis, particulièrement pendant la décennie 1993-2003, mais aussi après. Il s’agissait d’analyser dans quelle mesure le système national de justice peut traiter adéquatement des crimes graves révélés par l’inventaire en vue d’entamer la lutte contre l’impunité. À cette fin, une analyse du droit interne et du droit international applicables en la matière, de même que des juridictions habilitées à poursuivre et juger les auteurs présumés des graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC, a été faite. Une étude de la jurisprudence congolaise ayant traité des crimes internationaux a également été menée pour examiner la pratique judiciaire domestique en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Cette étude a permis de mieux apprécier les défis et obstacles de nature juridique, logistique, structurelle et politique qui caractérisent les poursuites pénales des crimes internationaux en RDC.

44. Environ 200 acteurs du système judiciaire, universitaires et experts nationaux en droit pénal et en droit international ont été interviewés par l’Équipe Mapping . Des centaines de documents émanant de différentes sources ont été obtenus et analysés, notamment des textes de lois, des décisions judiciaires et différents rapports ayant trait au système de justice.

45. L’analyse du cadre juridique applicable en RDC pour traiter des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 indique qu’il existe un corps important de normes et dispositions légales, tant en droit international qu’en droit interne, suffisant pour entreprendre la lutte contre l’impunité eu égard aux crimes documentés dans le présent rapport. En effet, la RDC est liée par les plus importantes conventions en matière de droits de l’homme et de droit international humanitaire auxquelles elle a adhéré, pour la majorité d’entre elles, depuis bien avant les conflits des années 90 . Si on peut regretter l’absence de compétence des juridictions civiles pour les crimes internationaux, force est de constater que les juridictions militaires ont compétence pour juger toutes personnes responsables des crimes internationaux commis sur le territoire de la RDC entre 1993 et 2003. Finalement, en matière de protection des droits de l’homme et des garanties judiciaires fondamentales, la Constitution de février 2006 est fort éloquente et inclut en son corps les principales normes internationales dans ce domaine.

46. Pourtant, si le cadre juridique en place paraît suffisant, l’étude de la jurisprudence congolaise a permis d’identifier seulement une douzaine d’affaires depuis 2003 où les juridictions congolaises ont traité de faits qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Qui plus est, seulement deux de ces affaires concernent des incidents couverts par le présent rapport, soit l’affaire d’Ankoro , un jugement du 20 décembre 2004 sur des incidents survenus au Katanga en 2002, et l’affaire des Milobs , un jugement du 19 février 2007 sur des incidents survenus en Ituri en mai 2003.

47. S’il est indéniable que quelques acteurs de la justice militaire congolaise inspirés par l’adhésion de la RDC au Statut de Rome de la CPI en 2002 et soutenus par la communauté internationale, ont rendu un petit nombre de décisions courageuses en matière de crimes internationaux , bravant les obstacles matériels et psychologiques ainsi que les pressions politiques, toutes les affaires étudiées illustrent néanmoins les importantes limites opérationnelles des magistrats militaires. Enquêtes bâclées et douteuses, actes judiciaires mal rédigés ou insuffisamment motivés, décisions irrationnelles, violations des droits de la défense et immixtions diverses des autorités civiles et militaires dans le processus judiciaire sont les tares qui ont caractérisé plusieurs de ces décisions, notamment dans les affaires d’Ankoro, Kahwa Mandro, Kilwa et Katamisi.

48. Le manque de volonté politique de poursuivre les graves violations du droit international humanitaire commises en RDC est également confirmé par le fait que la grande majorité des décisions rendues l’ont été suite à des pressions constantes de la MONUC et d’ONG.

49. Cette léthargie de la justice congolaise par rapport aux crimes de guerre et crimes contre l’humanité, notamment à l’égard des principaux responsables, n’a fait qu’encourager la commission de nouvelles violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire qui perdurent jusqu’à ce jour.

Incapacité du système de justice congolais de traiter adéquatement des crimes internationaux commis sur son territoire

50. En RDC, le problème est moins un problème d’inadéquation des dispositions pénales qu’un problème de non-application. Bien que, comme l’affirme le Rapport sur l’état des lieux du secteur de la justice en RDC, le système judiciaire congolais bénéficie d’« une solide tradition juridique héritée de la colonisation, dont la qualité de certains hauts magistrats témoigne encore » , tous s’entendent pour dire que le système judiciaire congolais est mal en point, voire dans un « état déplorable » . Passablement affaibli sous le régime de Mobutu, il a été durement éprouvé par les différents conflits qui ont ravagé la RDC depuis plus de dix ans.

51. Les recherches et analyses effectuées par l’Équipe Mapping, les séances de travail et les consultations effectuées auprès des acteurs du monde judiciaire congolais, au niveau institutionnel et au niveau de la société civile, ont confirmé que toutes les composantes du système de justice congolais souffrent d’importantes carences structurelles et chroniques. Même des poursuites pénales suivies de condamnations ne suffisent pas si l’État ne prend pas toutes les mesures nécessaires pour s’assurer que les détenus ne s’évadent pas . La compétence exclusive des cours et tribunaux militaires sur les crimes internationaux pose également un problème eu égard à la répression des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire . Leur incapacité et leur manque d’indépendance ont été illustrés par le nombre insignifiant d’affaires dont ils ont traité et par la façon dont ils en ont disposé.

52. L’importante participation d’acteurs étrangers dans les graves violations du droit international humanitaire commises en RDC pose également une difficulté aux juridictions congolaises. Bien qu’elles soient compétentes à l’égard de toute personne, congolaise ou non, elles ont peu de moyens d’obtenir la comparution de suspects résidant hors du pays. La coopération de certains États face à une demande d’extradition reste improbable, compte tenu du peu de garanties qu’offrent les juridictions militaires congolaises en matière de procès justes et équitables et de respect des droits fondamentaux des accusés, d’autant plus que la peine de mort est toujours en vigueur en droit congolais.

53. En résumé, devant le peu d’engagement des autorités congolaises envers le renforcement de la justice, les moyens dérisoires accordés au système judiciaire pour combattre l’impunité, l’admission et la tolérance de multiples interférences des autorités politico-militaires dans les affaires judiciaires qui consacrent son manque d’indépendance, l’inadéquation de la justice militaire, seule compétente pour répondre aux nombreux crimes internationaux souvent commis par les forces de sécurité, la pratique judiciaire insignifiante et défaillante, le non-respect des principes internationaux relatifs à la justice pour mineurs et l’inadéquation du système judiciaire pour les affaires de violence sexuelle, force est de conclure que les moyens dont dispose la justice congolaise pour mettre fin à l’impunité pour les crimes internationaux sont nettement insuffisants. Pourtant, face à la multitude des crimes internationaux perpétrés, le fonctionnement et l’indépendance du système judiciaire est d’autant plus indispensable qu’un grand nombre de hauts responsables des groupes armés parties aux conflits sont impliqués dans les différentes violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

IV. Formulation d’options en matière de mécanismes de justice transitionnelle qui pourraient contribuer à la lutte contre l’impunité en RDC

54. Le mandat confié à l’Équipe Mapping en matière de justice transitionnelle consistait à présenter diverses options pour aider le Gouvernement de la RDC à traiter des graves et nombreuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur son territoire sur le plan « de la vérité, de la justice, des réparations et de la réforme » . Ce mandat faisait également écho aux demandes formulées à ce sujet par la société congolaise à l’endroit de ses dirigeants, d’abord au cours du Dialogue intercongolais qui s’est conclu avec l’Accord global et inclusif sur la transition en RDC de Sun City (Afrique du Sud) en 2002 et, par la suite, lors de la Conférence sur la paix, la sécurité et le développement, tenue en janvier 2008 au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. Ce mandat a également reçu un ferme appui du Conseil de sécurité qui a demandé à la MONUC « d’aider [le Gouvernement] à élaborer et appliquer une stratégie en matière de justice transitionnelle » .

55. Pour mener à bien cet objectif, l’Équipe Mapping a examiné les expériences récentes de la RDC en matière de justice transitionnelle et a procédé à l’identification des défis existant dans ce domaine, notamment à la lumière des conclusions tirées de l’évaluation du système judiciaire exposées dans le présent rapport. L’expérience de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) qui a opéré en RDC pendant la transition et les réformes en cours du secteur de la justice et de la sécurité a ainsi été passée en revue. De plus des consultations avec des experts congolais, notamment les autorités judiciaires et les représentants des Ministères de la justice et des droits humains, des experts internationaux dans ce domaine, des spécialistes des droits de l’homme et du droit pénal interne et international et des associations de victimes ont été menées. Convaincus de la nécessité d’une appropriation nationale des mesures de justice transitionnelle pour en garantir l’efficacité, plusieurs tables rondes ont également été organisées afin de recueillir les vues et opinions de la société civile à ce sujet.

56. Les options de justice transitionnelle formulées dans le présent rapport rendent largement compte des divers points de vue exprimés par les acteurs congolais et internationaux consultés et s’inspirent d’autres études relatives aux attentes des victimes en termes de justice transitionnelle ainsi que des données de terrain rapportées par les membres de l’Équipe. Finalement les options formulées en matière de justice transitionnelle s’inscrivent dans le cadre des efforts actuellement déployés pour réhabiliter le système judiciaire, réformer le droit congolais et instaurer de nouvelles institutions favorisant un plus grand respect des obligations internationales de la RDC en matière de justice et de lutte contre l’impunité.

57. En raison des nombreux défis qui se dressent dans la quête de justice pour les crimes commis en RDC, l’adoption d’une politique holistique de justice transitionnelle qui s’appuierait sur la création de mécanismes divers et complémentaires, judiciaires et non judiciaires, s’avère cruciale. Il y a lieu d’élaborer une stratégie basée sur une vision d’ensemble des violations avérées, de leur cadre temporel et des principales catégories de victimes. À ce titre, le présent rapport pourrait constituer l’une des bases de réflexion de la société civile et du Gouvernement congolais ainsi que de leurs partenaires internationaux. Cette stratégie doit envisager une complémentarité entre différents mécanismes, déjà disponibles ou à mettre en place, qui auront chacun une vocation particulière en matière de vérité, de justice, de réparation et de réhabilitation des victimes, de réforme des institutions de justice et de sécurité, y compris des mesures d’assainissement (vetting) des forces de sécurité et de l’armée, de réconciliation, voire de reconstruction de la vérité historique. Ces mécanismes sont complémentaires et non exclusifs. Parmi les nombreux pays qui ont jeté un regard sur leur passé, marqué par la dictature, des conflits armés et la commission de crimes graves et à grande échelle, la plupart ont eu recours à plusieurs types de mesures de justice transitionnelle, mises en œuvre simultanément ou initiées de façon progressive afin de restaurer les victimes dans leurs droits et leur dignité, de garantir la non- répétition des violations des droits de l’homme, de consolider la démocratie et une paix durable et de jeter les bases d’une réconciliation nationale.

Mécanismes judiciaires :

58. La RDC ne peut échapper aux obligations qui lui incombent en vertu du droit international, à savoir poursuivre les crimes internationaux commis sur son territoire, non plus qu’elle ne peut ignorer les nombreuses victimes congolaises qui ne cessent de réclamer justice pour les dommages subis. La décision de choisir quel mécanisme judiciaire serait le plus approprié pour traiter de ces crimes revient exclusivement au Gouvernement congolais qui doit prendre en compte les demandes de la société civile congolaise. À cet effet, un processus de consultation aussi large que possible devrait être mis en place par le Gouvernement, avec le soutien de la communauté internationale.

59. Commises sur une vaste échelle, pendant plus de dix ans de conflits et par différents groupes armés de RDC et d’ailleurs, les violations atteignant le seuil des crimes internationaux sont tellement nombreuses qu’aucun système judiciaire fonctionnant au mieux de ses capacités ne pourrait traiter autant de cas. Les crimes graves et leurs auteurs se comptent par dizaines de milliers, leurs victimes par centaines de milliers. En pareil cas, il importe d’établir un ordre de priorité en matière de poursuites pénales et de se concentrer sur « ceux qui portent la plus grande responsabilité ». Or la poursuite des « personnes les plus responsables » exige une justice indépendante, capable de résister aux interventions politiques et autres, ce qui n’est certes pas le cas du système judiciaire congolais actuel, dont l’indépendance demeure gravement compromise et malmenée.

60. En soi, la nature généralisée et systématique des crimes commis pose également un défi. Pareils crimes exigent des enquêtes complexes qui ne peuvent se faire sans d’importantes ressources matérielles et humaines. Dans certains cas, une expertise spécifique, tant au niveau des enquêtes que de la magistrature peut s’avérer indispensable. Or, le manque de ressources à la disposition des juridictions congolaises, les rend incapable de mener à bien leur mandat en matière de crimes internationaux. Le renforcement et la réhabilitation du système judiciaire interne est également primordial.

61. Face à ces constats, le rapport conclut qu’un mécanisme judiciaire mixte – composé de personnel international et national – serait le plus approprié pour rendre justice aux victimes de violations graves. Qu’elles soient internationales ou nationales, les modalités de fonctionnement et la forme exacte d’une telle juridiction devraient être décidées et détaillées par une consultation des acteurs concernés, y compris des victimes, notamment en ce qui concerne leur participation au processus, pour conférer au mécanisme adopté crédibilité et légitimité. Qui plus est, avant de déployer des moyens et des acteurs internationaux, une planification rigoureuse est requise et une évaluation précise des capacités matérielles et humaines disponibles au sein du système judiciaire national sera nécessaire.

62. Pour cela il est indispensable de s’assurer du respect de certains grands principes pour garantir l’efficacité du mécanisme et remédier au manque de capacité, d’indépendance et de crédibilité, notamment :

- Un effort financier important et un engagement gouvernemental clair ;

- des garanties d’indépendance et d’impartialité. La meilleure façon d’atteindre ces objectifs serait de confier aux acteurs internationaux (juges, magistrats, procureurs et enquêteurs) des rôles clés dans les différentes composantes du mécanisme ;

- Apporter une attention particulière, notamment en terme de procédure, aux violences spécifiques, en particulier les violences sexuelles, commises à l’encontre des femmes et des enfants.

63. Pareil mécanisme devra également :

- Appliquer le droit pénal international relatif aux crimes internationaux, y compris sur la responsabilité des supérieurs pour les actes commis par leurs subordonnés ;

- Prévoir la non-validité devant ce mécanisme d’une quelconque amnistie qui aurait été octroyée pour des crimes internationaux ;

- Exclure la juridiction des tribunaux militaires en cette matière ;
- Avoir compétence sur toutes les personnes qui ont commis ces crimes, nationaux ou étrangers, civils ou militaires, et qui au moment desdits crimes avaient 18 ans ou plus ;
- S’assurer du respect de toutes les garanties judiciaires à un procès juste et équitable, notamment les droits fondamentaux des accusés ;

- Prévoir un mécanisme d’assistance juridique aux accusés et aux victimes ;

- Prévoir des mesures de protection des témoins et, au besoin, du personnel judiciaire qui pourraient être menacés ou intimidés ;

- Ne pas prévoir la peine capitale, en conformité avec les principes internationaux ;

- S’assurer la coopération des États tiers, des Nations Unies et des ONG qui pourraient soutenir les activités de ce mécanisme, notamment en matière de défense.

64. En soi, un tribunal mixte ne règlera pas la difficulté posée par la participation des forces et groupes armés étrangers dans les vagues de violence qui ont déferlé sur le pays. Il ne fait aucun doute que dans de nombreux incidents répertoriés, la responsabilité des forces et groupes armés étrangers à la RDC a été engagée. Or, la responsabilité des commandants, des commanditaires et des donneurs d’ordre étrangers pourrait s’avérer impossible à établir sans l’assistance des autorités des pays concernés. À cet égard, rappelons que dès 2001 le Conseil de sécurité avait rappelé aux États de la région impliqués dans le conflit armé leurs obligations internationales « de traduire les responsables en justice et de permettre… que ceux qui auraient commis des violations du droit international humanitaire aient à en répondre » . Ainsi, des auteurs présumés peuvent être poursuivis sur la base de la compétence universelle par des États tiers, de la région ou non, pour les crimes commis en RDC, comme cela a déjà été le cas, bien que trop rarement . Une telle possibilité doit être encouragée.

Commission Vérité et Réconciliation (CVR) :

65. L’ampleur et la nature systématique ou généralisée des crimes perpétrés contre des groupes vulnérables, femmes, enfants et réfugiés sans défense, force à s’interroger sur les raisons d’un tel déchaînement de violence, sur l’existence d’une politique délibérée de s’attaquer à certaines catégories de personnes pour des motifs ethniques, politiques ou liés à la nationalité. L’utilisation systématique de la violence sexuelle qui perdure encore aujourd’hui doit être examinée de façon particulière. Des motifs économiques liés entre autres à l’occupation des terres et à l’exploitation illégale des ressources naturelles doivent également être considérés. Pareilles questions ne sauraient trouver de réponses satisfaisantes devant un tribunal seul, qui examinerait avant tout la responsabilité individuelle des auteurs sans chercher à comprendre l’ensemble du conflit, sa genèse et ses raisons profondes. En soi, un mécanisme judiciaire ne peut poser qu’un regard limité, voire parcellaire, sur tant de violence, et ne traiter que d’un nombre restreint de cas, sans prendre en charge ni les besoins de la majorité des victimes ni leur soif de vérité.

66. Malgré la grande déception des victimes vis-à-vis de l’échec de la première CVR en RDC, la demande de vérité et d’une nouvelle commission reste très forte dans le pays. Dans son discours de clôture de la Conférence de Goma en février 2008, le Président Kabila a d’ailleurs accueilli favorablement la demande de création d’une nouvelle CVR .

67. À cette fin, pour éviter les erreurs du passé, un sérieux et vaste processus de consultation de la population doit être engagė, dans un climat non politisé, afin que l’action de la CVR repose sur des bases et un mandat crédibles dont elle aura besoin pour pouvoir établir la vérité, proposer des mesures de réparation et de réformes institutionnelles. En ce sens, il importe que des efforts soient consentis pour aider les victimes à s’organiser entre elles de telle sorte qu’elles soient mieux préparées à contribuer au processus de consultation et à l’établissement d’un mécanisme de vérité.

68. Bien qu’il n’existe pas de modèle préconçu ou type pour un mécanisme de vérité, il est possible, à la lumière de l’expérience de la première CVR en RDC et du contexte congolais, de poser certains principes de base qui devraient permettre de surmonter certains des défis identifiés précédemment :

- Nécessité d’une large consultation : Absent de la première CVR et du nouveau projet déposé au Parlement, un processus consultatif impliquant victimes et partenaires de la société civile paraît indispensable pour définir les paramètres de base d’un futur mécanisme, assurer par la suite une bonne compréhension de son fonctionnement et le rendre crédible et légitime aux yeux de la population ;

- Un mandat réaliste et précis : Face aux nombreux conflits qui ont sévi en RDC, le mandat devrait être limité aux périodes de l’histoire qui ont donné lieu aux plus graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Certains groupes particulièrement touchés par les violences en RDC, notamment les femmes, les enfants ou certaines minorités et communautés ethniques, politiques ou nationales, devraient faire l’objet d’une attention particulière ;

- Délimitation du mandat : La multiplication des divers mandats confiés à la première CVR en RDC a contribué à son échec. Ainsi une CVR ne peut se substituer à un organe de médiation ou à un mécanisme de réparation , bien qu’elle puisse bien sûr formuler des recommandations pertinentes à ces égards ;

- La composition de la CVR : Le processus de sélection, la crédibilité, l’indépendance et la compétence des membres de tout nouveau mécanisme de vérité pour la RDC détermineront dans une très large mesure sa légitimité, le soutien dont elle bénéficiera et ultimement son succès ou son échec . La possibilité de nommer des membres internationaux dans la commission devrait aussi être explorée, vu le climat de méfiance qui persiste en RDC (de la part de la population civile et entre les différentes parties envers les autorités) ;

- Les pouvoirs de la Commission : Il est primordial que le mécanisme mis en place puisse disposer des pouvoirs d’interroger des témoins, de les faire comparaître, de les protéger, de garantir que leur témoignage ne pourra pas être utilisé contre eux dans une procédure judiciaire, d’obtenir la pleine coopération des autorités, etc. Les prérogatives d’octroyer des amnisties aux auteurs repentants doivent être compatibles avec les principes du droit international en ce domaine et ne pas s’appliquer aux crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide et autres violations graves des droits de l’homme.

- Le contenu du rapport final : Un mécanisme de vérité devrait être en mesure de pouvoir au moins faire des recommandations sur des mesures de réparation et d’indemnisation des victimes, sur des réformes institutionnelles, notamment dans les secteurs de la justice et des forces de sécurité, pour éviter que de telles violations se produisent à l’avenir et, le cas échéant, en recommander la sanction.

69. Le succès d’un nouveau mécanisme de vérité reste fortement tributaire d’un engagement ferme du Gouvernement de confronter le passé et de sa conviction que l’établissement de la vérité est une condition essentielle à une transition paisible vers un pays où règne la primauté du droit. Tout effort de la société civile et de la communauté internationale sera inutile sans cet engagement du Gouvernement.

Réparations

70. Le droit des victimes de violations graves des droits de l’homme à la réparation est inscrit dans de nombreux traités internationaux . Il est lié au droit au recours prévoyant que toute victime ait la possibilité, pour obtenir réparation, d’exercer un recours facilement accessible, prompt et efficace, que ce soit par voie pénale, civile, administrative ou disciplinaire. Des centaines de milliers de victimes ont subi des dommages moraux et matériels suite aux terribles violences qu’elles ont subies. Elles ont droit à réparation. Le droit à réparation doit couvrir l’intégralité des préjudices subis par la victime et peut prendre plusieurs formes possibles : la restitution, l’indemnisation, la réadaptation, la satisfaction et les garanties de non renouvellement des violations par l’adoption de mesures appropriées. 71. Une approche globale et créative à la question des réparations est clairement nécessaire. Même s’il apparaît que les réparations collectives sont plus faciles à mettre en place, des réparations individuelles devraient malgré tout être envisagées dans certains cas, surtout dans les cas où les conséquences des violations continuent à peser lourdement sur la vie des victimes. 72. Le Gouvernement congolais doit contribuer au premier chef à un programme de réparations. Certes, cette contribution doit être proportionnelle aux capacités budgétaires réelles de l’État, mais un effort adéquat démontrera que l’État reconnaît cette obligation juridique et morale, donnera un signal politique clair sur sa volonté d’aider les victimes et stimulera les contributions des autres partenaires internationaux au programme. Les pays tiers dont la responsabilité internationale est engagée pour violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire ont également l’obligation de payer des réparations à l’État sur le territoire duquel les actes ont été commis et les dommages subis, tel que dans le cas de l’Ouganda . Cette obligation, qui trouve sa source en droit international coutumier, existe indépendamment d’un jugement de la Cour internationale de Justice (CIJ). Elle doit être respectée. Toute somme saisie des auteurs de crimes internationaux commis en RDC, quelle que soit leur nationalité ou l’autorité judiciaire qui a procédé à la saisie, pourrait également être versée à pareil mécanisme de réparation. Il serait même possible d’envisager la poursuite de certaines compagnies privées, nationales ou étrangères ou étatiques ayant illégalement acheté les ressources naturelles de la RDC, en vue d’obtenir des compensations qui seraient versées à un mécanisme de réparation.

73. La question la plus importante à résoudre pour tout mécanisme de réparation est celle de la détermination des bénéficiaires d’un tel programme. Plusieurs critères peuvent être utilisés pour circonscrire la portée d’un programme et toucher ceux qui ont le plus souffert et qui ont le plus grand besoin d’assistance, sans pour autant banaliser les souffrances des autres victimes. La gravité de la violation, ses conséquences sur la santé physique ou mentale des victimes, la stigmatisation, l’éventuelle répétition des violations dans le temps et la situation socio-économique actuelle des victimes représentent tous des critères valables.

74. Ainsi, puisqu’une approche exclusivement judiciaire exigeant l’établissement des responsabilités des auteurs ne permettra jamais aux victimes de recevoir pleine satisfaction, et compte tenu des limitations du système judiciaire par rapport au nombre de crimes commis et de leurs victimes, des alternatives à la voie judiciaire doivent être explorées, telles que le Fonds au profit des victimes de la CPI, actif en RDC, qui a développé de nouvelles approches en matière de réparations.

75. Le rapport conclut qu’une agence nationale, une commission pour les réparations ou un fonds d’indemnisation, qui aurait exclusivement pour mandat l’élaboration et la mise en œuvre d’un programme d’indemnisation pour les victimes des conflits en RDC, constituerait le mécanisme le plus approprié pour relever le défi de la question des réparations. Cet organe devrait bénéficier d’une indépendance et de prérogatives suffisantes pour définir et identifier des catégories de victimes ayant droit à différentes formes de réparations, à accorder à titre individuel et à titre collectif. Il devrait mettre en place des procédures relativement simples, gratuites et bien adaptées aux victimes pour faciliter l’accessibilité et l’efficacité qui fait souvent défaut aux instances purement judiciaires.

Réformes

76. Une des finalités de la politique de justice transitionnelle est la mise en place de garanties de non-répétition des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises dans le passé. Réformer les institutions qui ont commis les violations ou qui n’ont pas joué le rôle institutionnel qui leur incombe pour empêcher ces violations est souvent primordial pour atteindre ce but. Ces réformes sont manifestement d’une grande pertinence en RDC, le présent rapport ayant exposé à plusieurs reprises la responsabilité directe ou indirecte des services de sécurité zaïrois, puis congolais dans les violations graves du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre 1993 et 2003 et qui perdurent sur le territoire de la RDC. Si tous les mécanismes de justice transitionnelle sont importants, il faut insister sur le fait que la réforme des institutions est certainement la démarche qui aura le plus d’impact à long terme pour obtenir la paix et la stabilisation du pays et qui offrira aux citoyens les meilleures protections contre le non-renouvellement des violations.

77. Parmi les réformes visant la non-répétition des crimes, les plus cruciales et urgentes sont celles portant sur l’amélioration du système judiciaire, l’adoption d’une loi de mise en œuvre du Statut de Rome et l’assainissement des services de sécurité (vetting). Plusieurs réformes du système judiciaire sont en cours et méritent d’être soutenues. Elles visent à appuyer le renforcement des capacités du système judiciaire, notamment par la réforme de la législation pénale, le déploiement de l’administration judiciaire sur toute l’étendue du pays et la requalification des juges et du personnel judiciaire.

78. En matière de répression et de prévention des crimes internationaux, la RDC s’est engagée, en ratifiant le Statut de Rome, à poursuivre les auteurs des crimes énoncés dans le Statut et de prévoir dans sa législation nationale toutes les formes de coopération avec la Cour. Ce projet de loi, conforme en tous points aux obligations internationales de la RDC, est d’une importance capitale et le Parlement devrait l’adopter sans plus tarder.

Vetting

79. Comme pour le secteur de la justice, des processus de réforme des forces de sécurité, notamment de la police et de l’armée, ont été entrepris au début de la transition. Toutefois il est regrettable que la justice transitionnelle n’ait été nullement prise en compte dans ces processus. Un mécanisme important de justice transitionnelle dans le domaine de la réforme des institutions concerne la procédure d’assainissement (vetting) qui vise à ce que « les fonctionnaires de l’État qui sont personnellement responsables de violations flagrantes des droits de l’homme, en particulier ceux de l’armée, des services de sécurité, de la police, des services de renseignements et du corps judiciaire, ne doivent plus exercer leurs fonctions au sein des institutions de l’État » . L’assainissement est une mesure particulièrement pertinente et importante en RDC car de nombreux responsables de violations graves des droits de l’homme se trouvent dans des institutions étatiques suite aux accords de paix. Cette présence dans les institutions, notamment dans l’armée, leur permet d’empêcher ou de freiner toute initiative de justice transitionnelle voire, le cas échéant, de menacer ou simplement décourager de potentiels témoins et victimes. En ce sens, un processus d’assainissement n’est pas seulement indispensable en soi, mais apparaît comme la condition préalable à toute autre initiative de justice transitionnelle crédible.

80. Le Conseil de sécurité considère une telle mesure nécessaire pour briser le cycle d’impunité qui entoure les forces de sécurité en RDC depuis toujours, et qu’une véritable réforme du secteur de la sécurité ne saurait aboutir à des résultats durables sans mesures d’assainissement .

Cour pénale internationale

81. Bien qu’en soi la CPI ne soit pas un mécanisme de justice transitionnelle, sa contribution en matière de justice pénale en RDC demeure très importante. Elle constitue pour l’instant le seul mécanisme judiciaire ayant la capacité, l’intégrité et l’indépendance nécessaires pour poursuivre ceux qui portent la plus grande responsabilité dans la commission de crimes internationaux sur le territoire de la RDC. Trois enquêtes de la CPI ont été ouvertes par le Procureur sur la situation en Ituri . Ce faisant, elle a joué et continue à jouer un rôle très important dans la lutte contre l’impunité en RDC, susceptible d’encourager le travail des cours et tribunaux congolais et d’autres mécanismes à venir. La Cour a aussi inspiré certains acteurs du système judiciaire congolais qui ont puisé dans les dispositions du Statut de Rome de la CPI pour compléter et préciser le droit congolais applicable en ce domaine, comme il est expliqué dans la section III du rapport.

82. Toutefois, les nombreuses attentes soulevées par la CPI ont fait place à certaines déceptions parmi les Congolais et les acteurs internationaux investis dans la défense des droits des victimes, notamment à cause de la lenteur des procédures et la portée limitée des charges retenues, qui ne rendent pas justice aux centaines, voire milliers, de victimes et ne reflètent pas l’ensemble des activités criminelles des accusés, comme de nombreuses enquêtes l’ont révélé .

83. Ainsi, devant l’absence de progrès dans la lutte contre l’impunité en RDC, il apparaît primordial que la CPI maintienne, voire accroisse son engagement. La CPI devrait s’intéresser particulièrement aux crimes les plus graves qui pourraient difficilement faire l’objet de poursuites en RDC en raison de leur complexité, comme par exemple les réseaux de financement et d’armement des groupes impliqués dans les crimes. Les personnes impliquées dans ces activités bénéficient d’appuis politiques, militaires ou économiques et se trouvent parfois à l’extérieur du territoire de la RDC, hors de portée de la justice nationale. Il apparaît donc important que le Procureur de la CPI accorde une attention particulière à ces cas afin qu’ils n’échappent pas à la justice.

84. En revanche, l’incompétence de la CPI à l’égard des nombreux crimes commis avant juillet 2002 et son incapacité á traiter un nombre important de cas limitent son rôle direct dans la lutte contre l’impunité et confirment l’importance et la nécessité de créer de nouveaux mécanismes permettant de poursuivre les principaux auteurs des crimes les plus graves couverts dans le présent rapport.

Conclusion

85. En dressant l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003, le rapport conclut que la grande majorité des 617 incidents recensés constitue des crimes internationaux, qu’il s’agisse de crimes de guerre commis pendant les conflits armés, internes ou internationaux, ou de crimes contre l’humanité commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique contre une population civile, ou dans de nombreux cas, qu’il s’agisse des deux. La question de savoir si les nombreux actes de violence graves commis à l’encontre des Hutu en 1996 et 1997 constituent des crimes de génocide a également été examinée et le rapport souligne qu’il existe des éléments pouvant indiquer qu’un génocide a été commis mais que la question ne pourra être tranchée que par un tribunal compétent, statuant au cas par cas.

86. En terme de justice, la réaction des autorités congolaises devant cette avalanche de crimes graves commis sur son territoire s’est avérée minime, voire inexistante. Ce peu d’engagement des autorités congolaises à poursuivre les responsables des sérieuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC n’a fait qu’encourager la commission de nouvelles violations graves qui perdurent jusqu’à ce jour. Le rapport constate qu’en raison des nombreux défis qui se dressent dans la quête de justice pour les crimes commis en RDC, la mise en place d’une politique holistique de justice transitionnelle qui s’appuierait sur la création de mécanismes divers et complémentaires, judiciaires et non judiciaires s’avère cruciale. Si le rapport se garde de donner des recommandations ou directives proprement dites, en revanche il examine les avantages et inconvénients des diverses options de justice transitionnelle en matière de vérité, de justice, de réparation et de réhabilitation des victimes, de réforme des institutions de justice et de sécurité, y compris des mesures d’assainissement (vetting), dans le contexte congolais actuel. Ces options, qui devront être examinées par le Gouvernement de la RDC et la société civile, comprennent : a) la création d’une juridiction mixte ; b) la création d’une nouvelle Commission Vérité et Réconciliation ; c) des programmes de réparation ; et d) des réformes à la fois du secteur de la justice et des forces de sécurité. Afin de s’assurer que la population congolaise s’associe intimement à l’identification des besoins, à la détermination des priorités et à la recherche des solutions, en bref afin qu’elle s’approprie ces nouveaux mécanismes, en comprenne le fonctionnement et la portée, il apparaît indispensable que les autorités procèdent préalablement à des consultations nationales. Afin de s’assurer que la population congolaise s’associe intimement à l’identification des besoins, à la détermination des priorités et à la recherche des solutions, en bref afin qu’elle s’approprie ces nouveaux mécanismes, en comprenne le fonctionnement et la portée, il apparaît indispensable que les autorités procèdent préalablement à des consultations nationales sur la justice transitionelle, afin d’assurer la crédibilité et la légitimité des démarches menées dans ce domaine. INTRODUCTION

87. La découverte par la Mission de l’Organisation des Nations Unies en République démocratique du Congo (MONUC) de trois fosses communes dans le Nord-Kivu à la fin de l’année 2005 s’imposa comme un douloureux rappel que les graves violations des droits de l’homme commises dans le passé en RDC demeuraient largement impunies et fort peu enquêtées. Après de nombreuses consultations au sein des Nations Unies, l’idée initiale de réactiver l’Équipe d’enquête de 1997-1998 établie par le Secrétaire général fut écartée au profit d’un projet plus large visant à fournir les outils nécessaires aux autorités congolaises afin d’entamer la lutte contre l’impunité. Les consultations entre le Département des opérations de maintien de la paix de l’ONU, la MONUC, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), le Département des affaires politiques, le Bureau des affaires juridiques et le Bureau du Conseiller spécial pour la prévention du génocide aboutirent à un accord recommandant qu’il soit procédé à un inventaire couvrant la période allant de mars 1993 à juin 2003. Le but convenu d’un commun accord était de rassembler, d’analyser et de rendre publics les indices prima facie des violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire et, à partir des résultats de cette opération, d’évaluer les moyens dont le système national de justice en RDC dispose pour donner la suite voulue aux violations qui seraient découvertes. Il a été convenu que cette initiative devrait également conduire à la formulation des différentes options possibles de mécanismes appropriés de justice transitionnelle qui permettraient de traiter comme il se doit les conséquences de ces violations. Finalement, il fut considéré que le mandat en matière de droits de l’homme de la MONUC approuvé par le Conseil de sécurité en 2003 [résolution 1493 (2003)] pourrait couvrir les activités du « Projet Mapping » tel que proposé.

88. Ce Projet Mapping, comme il a été nommé, visait à fournir un outil essentiel de plaidoyer auprès du Gouvernement et du Parlement, ainsi que de la communauté internationale, pour la mise en place de mécanismes appropriés de justice transitionnelle et pour favoriser des efforts concertés de lutte contre l’impunité en RDC. Le Secrétaire général, dans son rapport du 13 juin 2006 au Conseil de sécurité sur la situation en RDC, exprima son intention d’« envoyer une équipe de spécialistes des droits de l’homme en RDC pour y dresser l’inventaire des violations graves qui y ont été commises entre 1993 et 2003 » . Cette décision fut réaffirmée par le Secrétaire général dans ses deux rapports suivants, en date des 21 septembre 2006 et 20 mars 2007 . Le 8 mai 2007, le Secrétaire général entérina le mandat du Projet Mapping. Par la suite, le Projet fut présenté aux autorités congolaises, notamment au Président Joseph Kabila, qui l’accueillit favorablement, et à certains des ministres membres de son cabinet, par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme lors de sa visite en RDC en mai 2007. Le 21 décembre 2007, le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1794 (2007), demanda aux autorités congolaises de soutenir pleinement le Projet Mapping entrepris par la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Le 30 juin 2008, la Haut- Commissaire écrivit au Président Kabila pour lui annoncer la venue imminente de l’équipe chargée de mener à bien le Projet Mapping. Le Projet débuta officiellement ses travaux le 17 juillet 2008 avec l’arrivée de son directeur à Kinshasa. Une vingtaine d’officiers des droits de l’homme furent déployés sur l’ensemble du territoire de la RDC d’octobre 2008 à mai 2009 afin d’y recueillir des documents et témoignages permettant de répondre aux trois objectifs définis par le mandat. Le Gouvernement congolais a à plusieurs occasions exprimé son soutien au Projet Mapping, notamment lors du discours du Ministre des droits humains pendant la session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans l’est de la RDC au mois de novembre 2008 et au cours des différentes rencontres entre le directeur du Projet Mapping, le Ministre de la Justice et le Ministre des droits humains.

MANDAT

89. Le 8 mai 2007, le Secrétaire général entérina le mandat du Projet Mapping fixant à l’exercice les trois objectifs suivants :

• Dresser l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 ; • Évaluer les moyens dont dispose actuellement le système national de justice pour donner la suite voulue aux violations des droits de l’homme qui seraient ainsi découvertes ; • Élaborer, compte tenu des efforts que continuent de déployer les autorités de la RDC ainsi que du soutien de la communauté internationale, une série de formules envisageables pour aider le Gouvernement de la RDC à identifier les mécanismes appropriés de justice transitionnelle permettant de traiter les suites de ces violations sur les plans de la vérité, de la justice, des réparations et de la réforme .

90. La direction du Projet fut confiée au HCDH et une dizaine de partenaires intéressés assurèrent son financement grâce à des contributions volontaires . Le PNUD-RDC assura l’administration financière du Projet et la MONUC fournit le support logistique. Un accord fut signé entre ces trois entités délimitant leurs droits et obligations respectives . Le soutien constant et massif de ces trois entités au Projet Mapping mérite dès à présent d’être souligné.

91. Selon les termes de la Haut-Commissaire en exercice à l’époque, le rapport du Projet Mapping « est censé être le premier et le seul rapport détaillé des Nations Unies qui documente les principales violations des droits de l’homme commises sur le territoire de la RDC entre 1993 et 2003. À ce titre, le rapport devrait être d’une importance fondamentale dans le contexte des efforts consacrés à la protection des droits de l’homme et à la lutte contre l’impunité ». En apportant une importante contribution à la documentation des plus graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises en RDC durant cette période de conflits, le présent rapport vise à aider les autorités congolaises et la société civile à identifier et à mettre en œuvre la stratégie devant permettre aux nombreuses victimes d’obtenir justice et de combattre ainsi l’impunité généralisée. Cela devrait également permettre de mobiliser plus de ressources internationales pour relever les principaux défis que doit affronter la RDC en matière de justice et de réconciliation.

92. Le mandat enjoignait à l’Équipe du Projet Mapping de « mener à bien son travail le plus rapidement possible, pour aider le nouveau gouvernement en le dotant des outils nécessaires pour gérer les processus post-conflit » . Une période d’au moins deux mois était prévue pour que les membres de l’Équipe soient recrutés et que celle-ci soit déployée et pleinement opérationnelle, suivie d’une période additionnelle de six mois pour mener à terme le Projet, avec une possibilité de prolongation « si besoin est ». Si la durée du Projet apparaissait trop courte aux yeux de plusieurs devant l’ampleur de la tâche à accomplir, elle s’imposait toutefois devant l’urgence de conclure rapidement cet exercice (dont le lancement avait été maintes fois reporté) afin d’en faire bénéficier sur-le-champ la société congolaise. Finalement, la durée totale du Projet aura été d’un peu plus de dix mois, entre l’arrivée à Kinshasa du directeur à la fin juillet 2008 et la remise du rapport final à la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à la mi-juin 2009. MÉTHODOLOGIE 93. Un mapping est une expression générique à laquelle aucune méthodologie prédéterminée ou format prédéfini n’est associé . En soi, un exercice de Mapping doit s’intéresser non seulement aux violations mais aussi aux contextes dans lesquels celles-ci ont été commises, au niveau d’une région spécifique, ou comme dans le cas présent sur toute l’étendue d’un pays. Pareil exercice peut inclure différentes activités comme la collecte, l’analyse et l’évaluation d’informations, des enquêtes et interviews de témoins, la consultation d’experts et de personnes, ressources, etc. Ce type de projet n’est pas complètement inédit. Il s’apparente aux commissions d’enquête internationale et aux commissions d’experts ou d’établissement des faits. Il s’inscrit parfaitement en amont de plusieurs mécanismes de justice transitionnelle, judiciaires ou non, comme démarche préliminaire afin d’identifier les défis, d’évaluer les besoins et de mieux cibler les interventions. On le retrouve même au sein des juridictions internationales ou hybrides qui l’utilisent pour mieux circonscrire les enquêtes et établir une stratégie globale de poursuite. Parmi les exemples récents de projets Mapping, certains ont été menés en s’appuyant uniquement sur des documents publics (Afghanistan) et d’autres en interviewant des milliers de témoins (Sierra Leone).

94. Le Mapping demeure un exercice préliminaire qui ne cherche pas à obtenir des preuves qui seraient admissibles devant un tribunal mais plutôt à « fournir les éléments de base nécessaires pour formuler des hypothèses initiales d’enquête en donnant une idée de l’ampleur des violations, en établissant leurs caractéristiques et en identifiant les possibilités d’obtention de preuve » . En matière de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, le Mapping devrait révéler la nature des violations, leur description, leur situation géographique et temporelle, la description des victimes et leur nombre approximatif, ainsi que le groupe – souvent armé – auquel appartiennent les auteurs, etc. Par conséquent, les résultats d’un tel exercice devraient être d’une grande utilité pour tous mécanismes de justice transitionnelle, qu’ils soient judiciaires ou non.

95. En fixant la durée du Projet Mapping à six mois, avec pour mandat de couvrir les plus graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur l’ensemble du territoire congolais pendant une période de dix ans, le Secrétaire général en dictait pour ainsi dire la méthodologie. Il ne s’agissait pas de se livrer à des enquêtes en profondeur, mais plutôt de rassembler des informations de base sur les principaux incidents les plus graves, de façon chronologique et province par province . La collecte, l’analyse et l’utilisation de toutes sources d’informations existantes sur les violations commises durant la période examinée s’imposaient également comme point de départ de l’exercice, particulièrement « les résultats des précédentes missions des Nations Unies dans le pays » . Par la suite, le déploiement de cinq équipes d’enquête mobiles sur le terrain durant six mois allait permettre de vérifier les informations afin de les corroborer ou de les infirmer à l’aide de sources indépendantes, tout en permettant de documenter des violations qui n’avaient jamais été rapportées. 96. Un document décrivant la méthodologie à suivre par l’Équipe Mapping a été préparé à partir des instruments développés par les Nations Unies, particulièrement ceux du HCDH. Ces outils méthodologiques couvraient notamment les champs suivants : une échelle de gravité pour la sélection des violations graves, le niveau de preuve exigée, l’identité des auteurs et groupes impliqués, la confidentialité des informations, la protection des témoins, un guide d’interview des témoins accompagné d’un format de fiches d’entretien standardisé, un guide en matière de preuves matérielles (y inclus les fosses communes), etc. La méthodologie adoptée pour le Projet Mapping devait se conformer aux défis et exigences propres au mandat, notamment l’obligation de couvrir l’ensemble du territoire congolais ainsi que la période allant de 1993 à 2003, de répertorier seulement les violations « les plus graves » des droits de l’homme et du droit international humanitaire et de veiller à ne pas compromettre la sécurité des témoins et la confidentialité des informations.  Échelle de gravité 97. L’expression « violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire », utilisée par le Secrétaire général pour définir le premier objectif du Projet Mapping, revêt un caractère général et flexible. D’une façon générale, elle est censée viser les violations du droit à la vie et à l’intégrité physique. Elle peut également comprendre les atteintes à d’autres droits fondamentaux de la personne, notamment si de telles atteintes sont systématiques et motivées par une forme de discrimination interdite en droit international. En droit international humanitaire, les violations sont traitées comme graves lorsqu’elles mettent en danger des personnes ou des biens protégés, ou lorsqu’elles enfreignent des valeurs importantes. 98. Compte tenu de l’ampleur des violations commises au cours de dix années de conflit sur un très vaste territoire, une sélection des plus graves incidents s’imposait. Chaque incident répertorié révèle la commission d’une ou plusieurs violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire localisée(s) dans le temps et l’espace. À l’occasion, une vague de violations individuelles (par exemple : arrestations et détentions arbitraires, exécutions sommaires, etc.) est assimilée à un incident.

99. Afin de sélectionner les plus sérieux incidents, ceux révélant la commission des violations les plus graves, il a été utilisé une échelle de gravité semblable à celle utilisée en droit pénal international pour identifier les situations et les crimes les plus graves qui devraient faire l’objet d’enquêtes et de poursuites . L’échelle de gravité donne une série de critères qui permet d’identifier les incidents suffisamment graves pour être inclus dans le rapport final. Ces critères interagissent entre eux. Aucun n’est déterminant en soi et tous peuvent justifier la décision de considérer l’incident comme grave. Les critères utilisés dans la sélection des incidents répertoriés dans le présent rapport se divisent en quatre catégories :  La nature des crimes et violations révélés par l’incident : Chaque incident répertorié révèle la commission d’un ou plusieurs crimes en vertu du droit international, soit les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le crime de génocide et les autres crimes qui constituent des violations graves des droits de l’homme. Tous ces crimes peuvent être classifiés selon l’échelle de gravité objective qui retiendra les violations du droit à la vie comme les plus graves (meurtres, massacres, exécutions sommaires, etc.), suivies des violations du droit à l’intégrité physique et psychologique (violences sexuelles, tortures, mutilations, lésions corporelles, etc.), du droit à la liberté et à la sécurité de la personne (arrestation et détention arbitraires, déplacements forcés, esclavage, recrutement et utilisation d’enfants soldats, etc.), du droit à l’égalité devant la loi et à l’égale protection de la loi sans discrimination (persécution) et, finalement, les violations liées au droit de propriété (destruction de biens civils, pillage, etc.).  L’étendue des crimes et violations révélés par l’incident : Chaque incident répertorié révèle la commission de nombreux crimes causant de nombreuses victimes. Le nombre de crimes commis et de victimes est pris en compte pour établir la gravité de l’incident.  La façon dont les crimes et violations ont été commis : les crimes et violations de nature généralisée, commis de manière systématique, qui ciblent un groupe spécifique (groupes vulnérables, groupes ethniques, groupes politiques, etc.), les attaques indiscriminées/disproportionnées causant de nombreuses victimes parmi les populations civiles, sont tous des éléments qui contribuent à élever le niveau de gravité d’un incident ;  L’impact des crimes et violations qui ont été commis : Mis à part le nombre de victimes des crimes révélés, certains incidents peuvent avoir un impact dévastateur dans le contexte, soit en déclenchant un conflit, en menaçant les efforts de paix engagés, en empêchant le secours humanitaire ou le retour des réfugiés ou des déplacés, etc. L’impact régional d’un incident ou ses conséquences sur une communauté spécifique, sa signification particulière pour certains groupes (ethniques, politiques, religieux, etc.) peut également contribuer à augmenter son degré de gravité.  Niveau de preuve 100. L’objectif premier du Mapping étant de « rassembler les informations de base sur les incidents découverts », le niveau de preuve requis est de toute évidence inférieur à ce qui est normalement exigé en matière criminelle devant une instance judiciaire. Il ne s’agit donc pas d’être convaincu hors de tout doute raisonnable de l’existence d’un fait, mais plutôt d’avoir une « suspicion raisonnable » (reasonable suspicion) que l’incident s’est produit, un niveau de preuve nettement inférieur à celui requis pour établir la culpabilité d’une personne en droit pénal. On définit la suspicion raisonnable comme « nécessitant un ensemble d’indices fiables correspondant à d’autres circonstances confirmées, tendant à montrer que l’incident s’est produit » . Lorsque de tels indices fiables ont été recueillis par l’Équipe Mapping, il a été décidé d’employer le passé pour décrire les incidents et non pas le conditionnel.

Évaluation de la fiabilité des informations

101. L’évaluation de la fiabilité des informations obtenues s’est faite en deux temps, en considérant d’abord la fiabilité et la crédibilité de la source, puis en vérifiant par la suite la pertinence et la véracité des informations en tant que telles. Cette méthode est connue sous le nom de « admiralty scale ». La fiabilité de la source est déterminée par plusieurs facteurs dont la nature de l’organisation d’où provient l’information, son objectivité et son professionnalisme, la méthodologie employée et la qualité des précédentes informations obtenues de cette même source. La validité et la véracité des informations sont évaluées en comparant celles-ci avec d’autres informations disponibles relatives aux mêmes incidents pour s’assurer ainsi de leur concordance avec d’autres éléments et circonstances déjà vérifiés. En d’autres termes, il s’agit de corroborer l’information obtenue à l’origine en s’assurant que les éléments corroboratifs proviennent bien d’une source distincte de la source primaire qui a fourni les premières informations. Cette corroboration proviendra généralement d’un témoignage recueilli par le Mapping, mais peut également provenir d’un autre rapport ou d’un document. Par contre, différents rapports au sujet d’un même incident basés sur la même source primaire ne sauraient constituer une corroboration par source « distincte ».  Identification des auteurs et groupes d’auteurs des violations

102. Contrairement à certaines commissions d’enquête dont le mandat requiert spécifiquement « d’identifier les auteurs de… violations afin de s’assurer que les responsables aient à répondre de leurs actes » , le mandat du Projet Mapping se limite à dresser l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003 . L’objectif du Projet Mapping n’était donc pas d’établir ou de tenter d’établir la responsabilité pénale individuelle de certains acteurs.

103. La seule mention de cette question dans le mandat du Projet Mapping se trouve dans la section sur la méthodologie qui explique que l’exercice « devrait viser à rassembler les informations de base (situer les incidents dans l’espace et dans le temps, établir le contexte des incidents les plus graves, le nombre approximatif de victimes, l’identité des auteurs présumés, etc.) et non se substituer aux enquêtes approfondies sur les incidents découverts ». Même si l’objectif premier du Mapping n’est pas d’identifier les auteurs présumés ou ceux qui devraient répondre de leurs actes, il était néanmoins nécessaire de rassembler des informations de base relatives à l’identité des auteurs ou des groupes d’auteurs présumés. Par contre, compte tenu du niveau de preuve utilisé dans cet exercice, il serait imprudent, voire inéquitable de chercher à imputer une responsabilité pénale à certains individus. Pareille conclusion relève d’une démarche judiciaire basée sur un niveau de preuve approprié. Par contre, l’identification des groupes impliqués apparaît indispensable afin de qualifier ces crimes de violations graves du droit international humanitaire. En conclusion, l’identité des auteurs présumés de certains des crimes répertoriés ne sera pas mentionnée dans le présent rapport, mais a été consignée dans la base de données confidentielle du Projet remise à la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme qui en déterminera les conditions d’accès . Toutefois, lorsque les auteurs sont actuellement sous le coup d’un mandat d’arrêt ou ont déjà été condamnés par la justice pour des faits répertoriés dans le rapport, leur identité a été révélée. Il est à noter également que lorsque des responsables politiques ont pris, de manière publique, des positions encourageant ou suscitant les violations répertoriées, leur nom a été cité dans les paragraphes relatifs au contexte politique.  Autres aspects pris en compte dans la méthodologie

104. Au-delà des outils méthodologiques exposés ci-dessus, certaines contraintes propres au Projet Mapping, à la situation prévalant en RDC et à l’accessibilité de certains sites ont été prises en considération lors des enquêtes de vérification des incidents préalablement identifiés. Ainsi, la capacité du Projet Mapping d’enquêter sur certains incidents a été parfois limitée par la difficulté d’accéder à certaines régions éloignées du pays, ou encore par des problèmes de sécurité qui en interdisaient l’accès. Le court délai alloué à l’exécution du Projet comme tel – six mois – a également influencé le choix des priorités d’enquête et des principaux incidents à vérifier, laissant de côté toute investigation qui prendrait trop de temps par rapport aux résultats anticipés pouvant figurer dans le rapport final. De façon plus importante encore, la prise en compte du mandat global du Mapping – couvrir l’ensemble du territoire de la RDC pour toute la période de mars 1993 à juin 2003 de façon à présenter un rapport détaillé et équilibré des nombreuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire survenues à cette époque – a dicté en grande partie le choix des principaux incidents répertoriés.

105. Chaque incident vérifié (corroboré) fait l’objet dans le présent rapport d’un paragraphe distinct, en retrait et précédé d’un point (bullet point). On y retrouve une description sommaire de l’incident identifiant la nature des violations et crimes commis, leur situation géographique et temporelle, la description des auteurs ou groupes d’auteurs impliqués ainsi que des victimes et leur nombre approximatif. Les chiffres relatifs au nombre de victimes dans les incidents répertoriés ont été donnés afin de permettre de mesurer l’ampleur de la violation et ne se veulent en aucun cas définitifs. En règle générale, le Projet Mapping a pris en compte l’estimation la plus basse et la plus réaliste du nombre de victimes indiqué par les différentes sources et a parfois eu recours à des estimations. Compte tenu de son mandat, il ne revenait pas au Projet Mapping de se prononcer sur le nombre total de personnes victimes de violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire en RDC au cours de la période considérée, étant donné que la quantification précise du nombre des victimes n’est pas essentielle pour déterminer la qualification juridique des violations. Chaque paragraphe relatant un incident est suivi d’une note de bas de page qui identifie la source première et la source secondaire de l’information rapportée. Tous les incidents qui n’ont pas pu être corroborés par une deuxième source indépendante, même si l’information provenait d’une source fiable, n’ont pas été inclus dans le présent rapport. Toutefois, ils ont été consignés dans la base de données.

DÉROULEMENT DU PROJET

106. Le Projet Mapping s’est déroulé en trois phases successives. La première phase dite de « pré-déploiement » a débuté avec l’arrivée du directeur du Projet le 17 juillet 2008 et s’est conclue avec le déploiement des équipes sur le terrain à partir du 17 octobre 2008. La deuxième phase couvre la période de déploiement des équipes d’enquêtes dans le pays afin de couvrir toutes les provinces de la RDC à partir de cinq bureaux régionaux. Elle a duré sept mois et s’est terminée le 15 mai 2009 avec la fermeture de tous les bureaux régionaux. La phase finale de post-déploiement a permis de compiler toutes les données, de procéder aux ultimes vérifications en vue de terminer la rédaction du rapport final, soumis à la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme le 15 juin 2009.

107. La première phase (17 juillet-17 octobre 2008) visait essentiellement à assurer le démarrage du Projet, à obtenir le support logistique et à développer les outils méthodologiques et juridiques nécessaires aux membres de l’Équipe Mapping pour accomplir le mandat.

108. Les principaux partenaires du Projet Mapping (MONUC, PNUD et missions diplomatiques), de même que les acteurs impliqués dans les droits de l’homme et la lutte contre l’impunité en RDC (organismes des Nations Unies, ONG internationales, groupes religieux, syndicats etc.) ont également été rencontrés afin que le Projet leur soit expliqué et que leur collaboration soit sollicitée.

109. La deuxième phase (17 octobre 2008-15 mai 2009) a été consacrée à l’exécution du mandat en tant que tel, c’est-à-dire les analyses, enquêtes et consultations nécessaires tant à l’élaboration de l’inventaire des violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire qu’à l’évaluation des moyens dont dispose le système judiciaire congolais pour y faire face, y compris les options en matière de mécanismes de justice transitionnelle qui pourraient contribuer à la lutte contre l’impunité.

110. La troisième phase (15 mai-15 juin 2009) a permis de conclure le Projet Mapping avec la compilation des données, la dernière mise à jour de la base de données, l’organisation, la transposition électronique et la classification de toutes les archives ainsi que la rédaction de la version finale du rapport. Cette dernière phase a aussi permis d’organiser des tables rondes à Bunia, Bukavu, Goma et Kinshasa afin de procéder à des consultations régionales avec la société civile en matière de justice transitionnelle.

ACTIVITÉS MENÉES

Rencontres officielles

111. Le directeur du Projet Mapping a eu des rencontres officielles avec près d’une centaine d’acteurs, partenaires et personnes intéressées par les questions de justice et de lutte contre l’impunité en RDC afin d’expliquer les objectifs du Projet et de solliciter leur appui. Il convient de mentionner :

• Les autorités gouvernementales de la RDC, soit le Ministre de la Justice (à deux reprises) et le Ministre des droits humains (à deux occasions également). Ils ont tous deux assuré le directeur du Projet de leur collaboration et de leur soutien à cet exercice. • Les bailleurs de fonds, rencontrés au début, à mi-parcours et à la fin du Projet, à qui à chaque occasion il a été remis un rapport d’activité Ont été rencontrés : les Ambassadeurs de l’Allemagne, de la Belgique, du Canada, des Pays-Bas, du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, de la Suède ainsi que des représentants de la République de Corée et de la Suisse. • Des représentants des missions diplomatiques des Etats-Unis, de la France et de l’Union Européenne. • Les chefs des organismes des Nations Unies : PNUD, UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l’enfance), UNHCR (Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés), UNFPA/UNIFEM (Fonds des Nations Unies pour la population/Fonds de développement des Nations Unies pour la femme). • Les autorités de la MONUC : le Représentant spécial du Secrétaire général, M. Alan Doss, et ses deux adjoints, M. Ross Mountain et Mme Leila Zerrougui ; et les représentants des différents bureaux de la MONUC, dont celui des droits de l’homme, de la protection de l’enfant, de l’état de droit et de la Division genre. • M. Francis Deng, Conseiller spécial pour la prévention du génocide ; M. Walter Kälin, Représentant du Secrétaire général pour la question des droits de l’homme des personnes déplacées. • Le chef de délégation du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) ; les représentants en RDC de OXFAM, Save the Children, Global Rights, Médecins sans frontières (MSF) [France et Belgique], International Center for Transitional Justice (ICTJ), Avocats sans frontières (ASF) [Belgique] et un représentant de la Cour pénale internationale (CPI). • Plusieurs organisations non gouvernementales locales qui s’intéressent aux droits de l’homme et à la justice en RDC.  Contacts professionnels

112. Plusieurs contacts ont été établis avec des organisations non gouvernementales (ONG) nationales afin d’obtenir des informations, rapports et documents sur les sérieuses violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire survenues en RDC au cours de la période couverte par le mandat. Ainsi, plus de deux cents représentants d’ONG ont été rencontrés au cours du mandat, à la fois pour que le Projet leur soit présenté et leur collaboration sollicitée. Grâce à cette collaboration, l’Équipe Mapping a eu accès à des informations, des témoins et rapports cruciaux ayant un lien avec les violations commises entre 1993 et 2003. Sans le travail courageux et remarquable des ONG congolaises durant ces dix ans, le Projet Mapping aurait eu de grandes difficultés à documenter les nombreuses violations en un laps de temps si restreint.

113. Des contacts ont aussi été établis avec des organisations et des ONG internationales afin d’obtenir des informations, rapports et documents en rapport avec le mandat du Projet Mapping . Presque toutes ont répondu positivement à cette demande .

Des centres de recherche et de documentation ont également contribué à la réussite du Projet en permettant à ses membres de consulter leurs archives et de rencontrer leurs chercheurs . Quelques experts de la RDC en visite à Kinshasa ont également rendu visite au Projet afin de s’entretenir avec l’Équipe .  Collecte et analyse de l’information

114. L’activité principale du Projet Mapping a consisté à collecter et à analyser le plus d’informations possible sur les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises durant la période couverte par le mandat. Plus de 1 500 documents ont été obtenus par les équipes du Projet. Ces documents proviennent de plusieurs sources, dont l’Organisation des Nations Unies et ses agences, le Gouvernement congolais, les grandes organisations internationales des droits de l’homme, les organisations congolaises des droits de l’homme, des médias nationaux et internationaux et plusieurs ONG de tous genres (syndicats, groupes religieux, groupes humanitaires, groupes de victimes, etc.). Parmi ces documents, plus de trois cents sont de nature confidentielle, notamment des archives de l’Équipe d’enquête du Secrétaire général, de 1998, et certains rapports internes d’ONG. Nous avons, de plus, consulté un grand nombre d’articles de presse nationale et internationale ainsi que des monographies traitant des sujets en rapport avec le mandat. Finalement, différentes sources, personnes et experts, nationaux et internationaux, ont également été consultés afin d’ouvrir de nouvelles pistes de recherche, de compléter certaines informations obtenues et d’affiner l’analyse générale de la situation.

115. L’analyse de l’ensemble de ces documents a permis de constituer une chronologie par province des principaux incidents révélant des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrées sur le territoire de la RDC entre mars 1993 et juin 2003. Cette analyse a permis d’identifier au départ plus de 660 incidents majeurs à vérifier. Seuls les incidents dont le niveau de gravité était suffisamment élevé selon l’échelle de gravité développée dans la méthodologie ont été retenus. Par la suite, le travail d’enquête dans les différentes provinces a révélé l’existence de nouveaux incidents sérieux non répertoriés qui se sont ajoutés au fur et à mesure à la chronologie originelle, portant le nombre à 782 incidents majeurs identifiés dans la base de données.

Enquêtes de vérification sur le terrain

116. Sur la base de cette chronologie, cinq équipes mobiles déployées sur le terrain ont été chargées de vérifier, confirmer ou infirmer certaines informations relatives à l’existence des principaux incidents révélant la commission de violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Chaque équipe était composée de deux officiers des droits de l’homme internationaux appuyés d’un associé aux droits de l’homme de nationalité congolaise. Le travail de ces équipes consistait essentiellement à rencontrer des témoins en mesure de confirmer ou d’infirmer que les violations les plus graves répertoriées dans la chronologie avaient effectivement eu lieu. Ainsi, chaque incident répertorié devait être confirmé par au moins une source indépendante, en plus de la source primaire, afin d’en confirmer l’authenticité. Chaque incident sur lequel les équipes ont enquêté était par la suite enregistré dans la base de données du Mapping.

117. Plus d’un millier de témoins ont été interviewés par les équipes du Projet Mapping au sujet des incidents majeurs identifiés dans la chronologie. Sur les 782 incidents ou cas ouverts dans la base de données, les enquêtes de vérification ont été en mesure d’en fermer 563, soit 71%. Bien que quelques cas aient pu être infirmés, la majorité d’entre eux ont été confirmés. Il a cependant été impossible de vérifier les 219 cas restants (29%), soit par manque de temps, soit par impossibilité d’accéder aux régions concernées ou aux témoins des incidents, ou encore parce qu’il a été impossible de trouver une source indépendante pour confirmer l’information obtenue par une première source. Certains cas incluent plusieurs incidents, ce qui signifie par exemple qu’une attaque de grande envergure pouvait se traduire par différents types d’infractions ou cibler des groupes différents. Par conséquent, dans le rapport, le cas confirmés constituent 617 incidents.

118. Toutes les informations pertinentes pour l’ensemble des 782 incidents ou cas ouverts se trouvent dans la base de données du Projet Mapping qui a été remise au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme à Genève. On y retrouve pour chaque incident ou cas, la (ou les) source(s) de l’information originale, la (ou les) fiche(s) d’entretien avec des témoins de l’incident, la nature des violations commises, leur description et leur situation dans le temps et l’espace, une qualification préliminaire des crimes révélés par l’incident, le nombre approximatif de victimes, le (ou les) groupe(s) armé(s) impliqué(s) et l’identité de certaines victimes et auteurs présumés.  Enquêtes et analyses des violences spécifiques à l’égard des femmes, des enfants et de celles qui sont liées à l’exploitation illégale des ressources naturelles

119. Conscients que la méthodologie utilisée pour la première partie du rapport ne permettrait pas de rendre pleinement justice aux nombreuses victimes de violences spécifiques telles que la violence sexuelle et la violence à l’égard des enfants, ni de refléter adéquatement l’ampleur de ces violences pratiquées par tous les groupes armés en RDC, et ne permettrait pas non plus d’analyser les causes de certains conflits, il fut décidé dès le début du Projet de consacrer une partie à ces thèmes, basée en partie sur les enquêtes de l’Équipe Mapping mais en grande partie aussi sur des documents spécifiques étayant ces violations. Bien que ces violences spécifiques soient mentionnées dans plusieurs incidents répertoriés dans la première partie du rapport, cette approche plus globale nous a permis de mieux illustrer dans la Partie II l’ampleur des phénomènes de viol, de recrutement d’enfants soldats et de violations des droits de l’homme liées à l’exploitation illégale des ressources naturelles. Cela a permis de mettre en évidence l’utilisation récurrente, généralisée et systématique de ces violences spécifiques par toutes les parties aux différents conflits et d’en faire une brève analyse.  Évaluation des moyens dont dispose le système de justice national pour traiter des graves violations répertoriées

120. Un aspect important du mandat du Projet Mapping concerne l’évaluation des moyens dont dispose le système judiciaire congolais pour faire face aux nombreux crimes commis. Une équipe « Justice » a été constituée au sein du Projet Mapping pour traiter de ces questions. Environ 200 acteurs du système judiciaire ainsi que des experts nationaux de droit pénal national et de droit international ont ainsi été interviewés par l’équipe « Justice » à Kinshasa et dans les provinces, notamment les autorités judiciaires civiles et militaires, des représentants du Gouvernement et des organes nationaux chargés de la réforme du système judiciaire congolais.

121. Cette équipe « Justice » a tout d’abord conduit une étude sur le droit interne et le droit international applicables et sur les juridictions habilitées à poursuivre et à juger les auteurs présumés des violations graves des droits de l’homme et du droit international commises entre mars 1993 et juin 2003. Une étude de la jurisprudence congolaise (case law) relative aux crimes internationaux a également été menée pour illustrer la pratique judiciaire en ce domaine. Par la suite, l’équipe a évalué les capacités du système de justice national en matière de lutte contre l’impunité. L’équipe a intégré les points de vue et les besoins exprimés par les acteurs de la justice rencontrés à Kinshasa, en province Orientale, en Ituri, au Sud-Kivu et au Nord-Kivu ainsi que par les rapports d’audit du système judiciaire congolais réalisés par les autorités nationales (Plan d’action pour la réforme de la justice) et par les agences internationales ainsi que certains des bailleurs de fonds engagés dans la réforme du système judiciaire congolais.  Formulation d’options en matière de mécanismes de justice transitionnelle qui pourraient contribuer à la lutte contre l’impunité en RDC

122. Pour formuler des options de mécanismes de justice transitionnelle compatibles avec les efforts en cours et avec les obligations internationales de la RDC concernant la lutte contre l’impunité, des consultations ont été menées à Goma, Bukavu et Kinshasa avec des professeurs de droit pénal, des ONG des droits de l’homme, des associations de victimes, des experts de la société civile engagés dans la lutte contre l’impunité et des représentants des barreaux et des syndicats de la magistrature. Des tables rondes ont été organisées à Bunia, Bukavu, Goma et Kinshasa afin de procéder à des consultations régionales avec la société civile sur les différents thèmes de la justice transitionnelle. Au total, ces tables rondes ont attiré plus d’une centaine de personnes représentant des associations de victimes et des organisations de droits de l’homme s’intéressant aux questions de justice et de lutte contre l’impunité.

123. L’équipe a notamment évalué dans quelle mesure les réformes en cours dans le domaine de la justice et du secteur sécuritaire répondent à l’impératif de prévenir de nouvelles violations des droits de l’homme, de lutter contre l’impunité et de répondre aux besoins des nombreuses victimes en matière de vérité et de réparation. Finalement l’équipe a été en mesure de formuler plusieurs options en matière de justice transitionnelle qui s’inscrivent dans les efforts actuellement déployés dans le pays pour réhabiliter le système judiciaire, réformer le droit congolais et instaurer de nouvelles institutions favorisant un plus grand respect des obligations internationales de la RDC en matière de justice et de lutte contre l’impunité.

Jean-Paul BWANA



05/10/2010
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