Perles d'Afrique

Perles d'Afrique

Le covid comme à d'autres m'enlève un Etre cher

30 Avril 2020 Notre Dame d’Afrique

Très chère Marie,

C’est aujourd’hui que la nouvelle m’a frappée au cœur. Marie, tu es morte, morte à cette vie, ce monde et ce qu’il traverse de très particulier.

Tu n’es pas partie pour le fuir. C’est ce virus qui bouleverse tout, qui t’emporte toi aussi. Tes muscles t’ont jouée tant de tours dans une vie si riche. Ils te lâchaient sans prévenir et tu te retrouvais sur le carreau. Chaque fois tu te relevais.

Hier, c’est celui de ton cœur qui a lâché. L’attaque du Covid semble avoir été sourde et foudroyante. Tu t’es endormie de ce côté de la vie.

 

Sage-femme, combien de fois m’as-tu enfantée ?

D’abord à la vie spirituelle, accompagnant mes balbutiements, mes découvertes intérieures, mes illusions et mes rencontres.

Ensuite et en même temps à la vie pleinement humaine, à l’image de Celui à qui toute ta vie fut donnée. Embrasser le vivant, arracher aux jours leur part de réel, toucher les souffrances, sentir les détresses, se réjouir des progrès humains, mettre la main à la pâte dans cette société, dans ce monde et ces deux continents chers à nos cœurs.

Je te dois une part du meilleur qui est en moi. Et cette capacité de dire « je t’aime ».

Te souviens-tu de nos batailles de polochon au FRAT à Lourdes ? Et de ces autres batailles, combats de Jacob, qui se jouaient en moi tandis que je trébuchais comme une enfant dans l’apprentissage d’une autre façon de vivre ? Tu as toujours été là, à chaque étape, respectueuse de mon rythme, de mes choix, et jusqu’au départ, le mien avant le tien. Discrète présence. Sœurs pour toujours. Tu sais ce qu’être sœur veut dire ! Ta grande fratrie fut une belle école !

A distance, tu m’as rejointe dans la savane, en Afrique, « cette chère Afrique ». Ton pays de cœur, le Tchad, a gardé la marque de ton passage. Combien d’enfants sont-ils sortis du ventre de leur mère par ces mains qui m’ont toujours impressionnée ? Toute ta force semblait s’y concentrer ! Pour les sages-femmes de Ndoguindi, j’étais ta fille. Comment savaient-elles les liens qui nous unissaient ? Pour te remercier de les avoir formées et aimées, elles m’ont à leur tour formée, un peu moins aimée peut-être…mais derrière leur rudesse, il y avait celle d’une vie sans cesse en alerte fasse à la violence des Rebelles. Tu as fait fasse aussi à ces agressions armées.

Ta vie est loin d’avoir été « un long fleuve tranquille ».

Je connaissais tes propres combats contre les maladies que tu apprivoisais à chaque étape de leur évolution. Avec ces mêmes élans qui te permettaient d’être présente aux personnes que tu rencontrais : joie et compassion. Tu devais aussi te retirer quand ce monde et ta souffrance devenaient insupportables. Là, une part de toi nous échappait.

Tu en es toujours revenue. De plongeons en résurrections, physique ou psychologique, tu revenais. Mais cette fois ?

Ma joie est de t’avoir encore embrassée avant que la pandémie bloque chacune dans son lieu de vie. Nous sommes habituées à être séparées. Ce sera peut-être plus long cette fois-ci. Je te sens encore là, je vois encore ton sourire et le désordre sur ton bureau. Ce désordre où tu retrouvais toujours le mot qui pouvait réconforter, le texte qui collait aux confidences qui t’étaient faites, l’image qui soutenait la méditation. Ce désordre qui était tout de même un beau bazar ! Comme nous en riions !

 

C’est avec ces rires que je dis au revoir Marie, avec des larmes aussi. Avec une immense reconnaissance.

                                                                               Je t’aime,

                                                                                                                                              Laurence



30/04/2020
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