Mon dernier coup de crayon
11 octobre 2009, Alger
Alger en état de siège, que dis-je, l’Algérie en état de grâce ! Les sifflets de la police se sont tus ou bien nous ne les entendons plus tant les klaxons rugissent dans chaque rue.
Des noces en série ? Que nenni ! Mais alors ? L’Aïd ? Une fête religieuse célébrée dans la liesse ? Non plus. Pourtant, ça avait a peu près commencé religieusement tout ce tintamarre vert et blanc, ces vagues de drapeau soulignés de rouge ! L’appel à la prière avait subitement brisé l’élan de vie pour imposer son silence trois minutes durant à toute une nation, puis laissé à l’écran le droit de vibrer à nouveau !
Une manifestation contre les décisions du pouvoir ? Contre les roses et bleus obligatoires des tabliers des bambins du primaire ? Ou bien contre la décision de réduire les importations d’automobiles grises, noires ou jaunes arrivant par mer du vieux continent ? Non ? Mais alors ?
Cette jeunesse débordant des vitres de voitures trop chargées ? Ces chants scandés tels des slogans, que revendiquent-ils ? Ces femmes à peine voilées dans la pénombre de leur balcon, qu’attendent-elles ? La baisse du prix de la pomme de terre ?
Pas en pleine nuit, voyons !
Cela fait une heure et demi que l’ivresse populaire a débauché le silence imposé par les autorités qui règnent le jour. La nuit semble appartenir aux cris, aux embouteillages sauvages (d’habitude, ils sont organisés !), à une rumeur qui s’échappe de toutes les ruelles, aux fusées et autres pétards qui rythment la progression de l’invasion. Alger en état de siège et sûrement toute l’Algérie….
Mais quoi ! Nous direz-vous de quoi il s’agit et ce qui pousse les Algériens, et les algériennes (!) enfin réconciliés, pour un oui, pour un rien, à faire tout ce potin sous les fenêtres de braves gens qui travailleront demain au petit matin ?
Et ces klaxons qui refusent de se taire, seuls maîtres de véhicules dont on ne sait plus qui est le conducteur ! Ces Objets Roulant Difficilement Identifiables avec leur voilure blanche ou verte selon le vent, avec ces têtes et ces jambes mélangés aux bras qui secouent la nuit, où vont-ils ? D’où viennent-ils ?
De nulle part madame ! Vers partout monsieur ! Car ce qui se joue là, dans les rues d’Alger et de l’Algérie, c’est la survie d’un peuple, l’expression d’un espace de liberté qu’aurait voulu censurer une interruption télévisée à l’heure de la prière.
Oui, c’est pour un match que tout un peuple se livre à l’exercice de la désobéissance civique. Rassemblement largement prévisible sans autorisation préalable, le jeu se joue aussi dans les cabinets ministériels. La rue parait souveraine, pour une heure, pour un soir, pour une nuit et quelques centaines de litres de pétrole à 23 centimes d’Euro ! Le peuple s’échappe des filets, le peuple s’allume, le peuple vibre… il sera plus facile ensuite de se rendormir !
Le peuple vibre parce que onze joueurs ont remporté une victoire ; parce qu’une équipe concentre tous les espoirs d’une fierté retrouvée, d’une identité affirmée et non plus imposée !
Allez les verts ! Vous êtes à un match de la qualification pour le Mondial de football !
Laurence
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