"Ordonner au soleil de se coucher" Jean François D.
J’ignore comment il avait pu monter sur le toit de tôle. Comment il ne brûlait pas ses pieds nus. Mais il était là, dressé sur cette pièce de toub comme à la proue d’un navire, devant une mer déjà retirée. Un œil fermé, le bras droit tendu et son regard armé dessus, il était là, défiant le soleil couchant sur l’horizon, intimant du doigt à l’astre de fuir à son tour. Il a posé le bout de son index sur le cercle rouge et, imperceptiblement, appuie dessus, sans trembler. Comme une cerise sur une nappe, le soleil explose sur l’horizon, sous le doigt de l’enfant. Quelques nuages, serviles janissaires, tentent d’en éponger les éclaboussures. Chaque soir, faute de mieux, un enfant paré de loques et de poussière met un terme à sa journée de réfugié, et à celle du camp, du bout de son doigt. Chaque soir un tout petit enfant exilé du Sahara convoque l’astre royal à la barre de son tribunal de tôle ondulée et intime au despote de disparaître de son occident. Chaque soir un enfant sahraoui éteint le plomb fondu du jour et plonge son peuple, pour quelques heures, dans un songe de liberté.
Jean-françois Debargue (Procédures&mode d’emploi)
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