Retour de vacances- Algérie
Retour de vacances
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Je reprends le fil des mots, envol précoce né d’une attente sur les rives du tarmac. Idées flottantes entre deux mondes :
celui du ciel bleu, des vacances où le temps s’épuise dans l’éternelle attente, mais y goûte chaque seconde comme un présent ;
l’autre, annoncé gris, frai et humide où un torrent de possible brise tous les silences, toute monotonie, en laissant s’épanouir l’espérance d’un futur envol.
L’aéroport d’Alger, mon espace de déchirure.
« On ne raccommode pas un vieux vêtement avec un tissus neuf ».
Il faut que soient séparés ces deux espaces comme un rite de passage.
Passagère.
J’entends encore,
non j’écoute,
le flot de la mer – ressac- clapotis sur le sable tendre et chaud,
doux et « encoquillagé »,
réservant ainsi de petites surprises aux pieds mal habitués.
Encore si proche sur ma peau par endroit brûlée de sel. Son goût remonte à mon palais.
Picotement des yeux ouverts pour contempler les eaux de l’intérieur, tenter de leur voler un peu d’intimité.
Souffle retenu, souffle coupé ! Beauté étrange, sentiments de pousser à l’extrême l’existence,
rester,
continuer d’avancer,
repousser le moment,
puis remonter
et s’élancer vers la lumière,
goulûment croquer dans l’oxygène qui venait à manquer ;
douce ou sombre euphorie ?
Je reprends ma course sur les vagues amusées. Elles me soulèvent et brisant l’envol, plaff ! Me laissent retomber, espiègles.
Je devine le sourire de la mer.
Il y avait longtemps que nous n’avions pas joué ainsi ensemble.
Soirée ramadan.
Épilogue d’une autre attente souvent ponctuée de mots d’oiseau,
de maux diffus,
un malaise mal contenu que la longueur des journées de Juin taquine et que la chaleur assomme !
A deux heures de l'Evènement (jamais montre ne fut tant le centre des préoccupations !) l’agitation prend place sur la scène culinaire. On est en retard quoiqu’il arrive. Le cerveau ne sait plus mesurer l’espace ni le temps, assoiffé. La Chorba mijote pourtant déjà depuis longtemps. Ses acolytes, bourek, dioul ou briques, selon la région, se font une beauté colorée, dorée, suavement épicée. La farce des boureks est affaire de goût. Elles sont les stars de ce moment de dégustation de la chorba, ne pas se tromper en fonctions des convives.
Les petits plats d’accompagnement n’ont rien à leur envier : poivrons, tomates, concombres, oignons rouge, carottes, salade verte, feulfeul har[1], tous, toutes, sourient aux anchois presque noyés qui rejoignent l’ail et le persil finement hachés. La menthe titille les narines…pas encre l’heure.
Plus de place pour le second plat au grand damne de la cuisinière!
Appel du Muezzin, le Maghreb, prière du coucher du soleil. Quelques dattes pour les uns, un peu d’eau pour les autres, une cigarette pour les plus accros ! À chacun sa façon. Puis la prière et enfin le repas familial. Rare temps de l’année où chacun, chacune fait effort d’être là, d’honorer le moment, la cuisinière et le mois. Ou bien dans un autre ordre, je ne sais pas. S’ensuit un silence brisant le tumulte des autos folles qui rentrent au bercail. Etre à l’heure.
L’instant promis de la délivrance est des plus rapides !
C’est un des défis de ce mois sacré au cœur d’une vie où le temps est incertain.
Etre à l’heure pour le Très Haut, Allah. Son unique demande au croyant, un mois pour Lui, le reste pour soi.
La prière, courte, et le bruit des cuillères sur les arrondis des bols dressés sur une table « endimanchée ».
Sur son trente et un pendant trente jours.
Jusqu’au doute, à la récompense, au bonheur.
Place ensuite à quelques jours de nostalgie.
Pardonnez à la profane que je suis une lecture minimaliste.
J’aime ce temps et ses paradoxes, ses rencontres et ses folies, sa générosité et sa convivialité. Le reste je vais essayer de l’oublier.
Le brouhaha des nuits de noces s’empare ensuite de la nuit. Tous repartent à la danse, à la musique, aux spectacles, à peine rassasiés et désaltérés, bien enfumés….
Dormir.
Je suis seule à y penser.
Presque impossible.
Pourtant sentiment enivrant de vivre des instants sans nul autre pareil.
Partage de moments forts, importants, essentiels.
Voyage, courte migration vers le Sahara.
Trop chaud, trop court, trop intense.
Rencontre.
Communion avec une région blessée, rouge de ses martyrs, pansée de vert et de bleu tous les cinquante mètres :
armées dérisoires pour lutter contre des souffrances identitaires.
Le Mzab accueille 10000 militaires[2] et CRS[3] !
Le soleil de Ghardaïa brûle ma peau et assèche ses pores.
Aucune eau ne la rassasie, sauf celle de l’amitié retrouvée dans cet oasis du sud.
Fraîcheur d'un jus de citron glacé.
est-ce ce breuvage qui désaltère ou le moment d'amitié? les deux surement.
Nuits debout, assise, jambes gonflées, circulation coupée.
L’intensité du voyage et des partages a pris chair.
Merci mon frère.
Merci à tous pour votre accueil.
Double eucharistie en plein désert à l’heure de Ftour[4].
Retour bienheureux vers les flots agités, nouveaux jeux, nouvelle liberté au creux des vagues, le bon, l’heureux.
Nuit de ramadan.
Concert animé et concert raté. J’essaie tout !
Foule déchaînée ou foule prise ailleurs.
Artistes enjoués, ou dépités.
Rien ne s’improvise.
Travailler, répéter.
Balance pour assurer.
Mais chaleur et absence de force d’un jeûne prolongé ont parfois raison de la mélodie.
Déception dans la nuit blanche assombrie.
La lune rose hier souriait. Elle qui se savait unique semble dire aujourd’hui qu’il y aura d’autres soirées musicales réussies.
Tant d’heures de rencontre, de coup de fil reçus/donnés, de kilomètres entre les studios et les salles de spectacles, solliciter ministres et bienfaiteurs, régisseurs et musiciens,
tout en une heure anéanti,
ou presque.
Leçon de vie.
Tout est éphémère, surtout le succès.
Le public vient quand il veut et il faut être là quoiqu’il arrive.
L’étoile de l’artiste sera ou ne sera pas cachée par la lumière de l’astre de la nuit.
Celle du photographe est loyale, toujours présente.
Des journées parfois longues.
Un séjour trop court.
Des soirée de scrabble mémorable.
Mes scores pitoyables.
Bravo Mesdames!
Une virée aux portes du désert, une autre en mer sur une presqu’île artificielle.
Vue unique sur le port et la ville d’Alger au soleil couchant.
Voile de pudeur sur la ville qui avale l’astre du jour.
Des palmiers debout sur les flots.
Magie de l’homme bâtisseur, planteur, créateur…
Promesse de plongée sous-marine.
J’hésite au cœur des amarres de grands vaisseaux des mers qui rappellent le souvenir des frères Barberousse.
Plus tard peut-être, une autre fois. Sans y réfléchir trop, oubliant dégazage et plaques d’huile flottantes.
Panorama d’un séjour qui s’achève. Un avion trace quelques lignes de conclusion dans le ciel d’Algérie.
Laurence 29/06/2016, Alger, aéroport.
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