Perles d'Afrique

Un œil, des regards…

Un policier au sortir du métro interpelle  le docteur en ophtalmologie. Le policier s’exprime en arabe devant les étrangers qui l’accompagnent.

«Qui sont ces personnes noires qui sont avec vous ? »

« Pourquoi me le demandez-vous ? »  « Parce que ce  sont des étrangers. Nous entre algériens, on se comprend… »

Elle passe son chemin sans répondre. Ses compagnons de route sont déjà plus loin, chez l’opticien où elle les accompagne. L’un d’eux, étudiant en médecine les laisse et va prendre son bus. Les au-revoir, pourtant discrets attirent les regards des passagers du métro et des piétons dans la rue. Tous ce retournent. Nous sommes au centre ville, dans l’avenue principale, à une heure d’affluence en plein Ramadhan.

Elle s’assoit sur une chaise dans la boutique, bouleversée. Elle me demande : « c’est comme ça ? je n’imaginais pas. Ils sont comme ça, surveillés, regardés, soupçonnés ?  et pourquoi interpeller moi ? Pourquoi leur faire honte devant moi ainsi ? ce policier avait bien vu que nous étions ensemble, pourquoi me prendre à part ? » Elle n’en revient pas, secouée, déçue par l’attitude de ce concitoyen. L’Algérie qu’elle connait si accueillante, se perdrait-elle ?

Son patient n’a qu’un œil. Elle souhaite qu’il retrouve un aspect visuel acceptable à défaut de pouvoir lui redonner une quelconque acuité. Elle, elle ne voit que cet œil et un homme à qui redonner  une image corporelle positive. Œil perdu au cours d’une chimiothérapie sur la paupière sans précaution pour son intégrité. Elle se sent un peu redevable face à ce manque de moyens techniques dans les hôpitaux d’un pays si riche, son pays tant aimé ! et de ce manque de conscience professionnelle ! elle veut réparer, d'abord par des lunettes puis par une opération et une prothèse.

Elle, elle n’avait vu que son œil a reconstruire, un œil, un homme à soulager.

Elle avait oublié la couleur de sa peau…